Elhadj Aboubacar Somparé (1944-2017) fut une figure politique majeure de la Guinée au début des années 2000. Brillant élève devenu enseignant puis haut fonctionnaire, il gravit tous les échelons de l'administration sous les régimes de Sékou Touré et Lansana Conté.
Entré en politique dans les années 1990, il présida l'Assemblée nationale de 2002 à 2008 et était le successeur constitutionnel désigné de Conté avant d'être évincé par le coup d'État militaire de 2008. Intellectuel cultivé et homme de dialogue, ce rassembleur fut cependant empêché d'accéder à la plus haute fonction par la force malgré son long parcours au service de l'État guinéen. Il laissa l'image d'un grand commis dévoué à son pays.
Introduction
Aboubacar Somparé fut une figure politique importante de la Guinée au tournant des années 2000. Né le 31 août 1944 à Dakonta dans la préfecture de Boké, il gravit les échelons de l'administration avant d'embrasser une carrière politique qui l'amena à la tête de l'Assemblée nationale de 2002 à 2008. Personnalité rassembleuse mais aussi homme de culture et de savoir, son parcours fut toutefois brisé par le coup d'État militaire de 2008 qui l'empêcha d'accéder à la présidence de la République comme la Constitution le prévoyait.
Éducation
Dès son plus jeune âge, Aboubacar Somparé se distingua par ses brillantes études. Premier de sa classe du primaire jusqu'à l'université, il obtint en 1969 un diplôme d'études supérieures en mathématiques-physique à l'Université Gamal Abdel Nasser de Conakry. Sur injonction de son oncle enseignant qui l'avait soutenu, il renonça à une bourse d'études de troisième cycle à l'étranger pour rester servir son pays.
Carrière professionnelle
Aboubacar Somparé entama dès 1970 une riche carrière dans l'administration et l'enseignement, occupant successivement les postes de directeur régional de l'éducation à Labé, directeur général de l'enseignement secondaire, directeur général des services de l'information, ambassadeur en France de 1978 à 1984, conseiller au ministère de la Fonction publique, administrateur du Palais des Nations, recteur de l'université de Conakry de 1987 à 1989, et coordinateur national du Programme d'ajustement du secteur de l'éducation de 1989 à 1990. Il servit ainsi fidèlement les régimes d'Ahmed Sékou Touré puis de Lansana Conté.
Carrière politique
Sensible aux idées de démocratie et de multipartisme qui émergèrent en Afrique dans les années 1990, Aboubacar Somparé créa avec d'autres intellectuels le Parti de l'Unité et du Progrès (PUP) soutenant le président Conté. Élu député en 1995, il devint secrétaire général du PUP et président du groupe parlementaire PUP-PCN jusqu'en 2002.
Président de l'Assemblée Nationale
À l'issue des élections législatives de 2002, Lansana Conté nomma Aboubacar Somparé président de l'Assemblée nationale malgré des réticences au sein du PUP. Pendant son mandat, Somparé entretint des relations tendues avec le vieux président Conté dont il était le successeur constitutionnel désigné. Des rumeurs coururent sur son éventuelle volonté de prendre le pouvoir. Somparé joua néanmoins un rôle de modérateur en appelant à un report des élections législatives pour éviter les troubles.
Président de la République de Guinée par intérim
Le 23 décembre 2008, quelques heures après l'annonce du décès de Lansana Conté, Aboubacar Somparé se présenta comme président de la République par intérim conformément à la Constitution. Mais dans la matinée même, un groupe de militaires prenait le pouvoir par la force et suspendait la loi fondamentale.
Coup d'État militaire de 2008
Le coup de force du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) mené par le capitaine Moussa Dadis Camara mit fin aux ambitions présidentielles d'Aboubacar Somparé. Traqué par la junte, il entra dans la clandestinité pendant quelques jours avant de réapparaître et d'appeler la communauté internationale à "empêcher les militaires d'interrompre le processus démocratique".
Vie politique après le coup d'État
Évincé du pouvoir, Aboubacar Somparé replongea un temps dans l'ombre. Le PUP qu'il avait contribué à fonder connut alors des dissensions pour l'écarter de la direction du parti, avant qu'une réconciliation n'intervienne en mars 2009 avec son ancien rival Sékou Konaté. En mars 2010, Somparé fut désigné candidat du PUP pour l'élection présidentielle prévue en juin, mais il était alors déjà affaibli et manquait crucialement de moyens financiers pour mener une véritable campagne.
Œuvre
Si Aboubacar Somparé laissa peu d'écrits publiés, il fut néanmoins un intellectuel cultivé et amateur d'histoire, notamment celle de sa région natale du Rio Nunez dont il relata les grandes étapes dans un ouvrage intitulé Brève histoire du Rio Nunez: République de Guinée (2008). On lui doit aussi plusieurs discours politiques remarqués rédigés pour les présidents Sékou Touré et Lansana Conté.
Vie privée
De son mariage en 1972 avec Astou Ka, Sénégalaise d'origine peule, Aboubacar Somparé eut plusieurs enfants. Resté très attaché à ses racines malgré ses hautes fonctions, il fut un pilier rassembleur de la grande famille Somparé et accueillait généreusement à Conakry de nombreux parents de Boké venus chercher travail ou poursuivre des études. Son épouse Astou, intellectuelle tout aussi cultivée, partageait son goût pour la connaissance. Son fils Amara Somparé, ex-Ministère de l'information et de la communication sous Alpha Condé, est un brillant administrateur et entrepreneur.
Mort
Aboubacar Somparé s'éteignit le 2 novembre 2017 à l'âge de 73 ans, fauché par la maladie loin du sommet de l'État qu'il avait un temps cru atteindre. D'imposantes funérailles nationales réunirent l'ensemble de la classe politique guinéenne pour lui rendre un dernier hommage.
Conclusion
Enseignant, haut fonctionnaire, homme politique et intellectuel accompli, Aboubacar Somparé incarna pendant plus de 30 ans l'évolution de la Guinée depuis l'indépendance jusqu'à la transition démocratique. Personnalité modérée et rassembleuse, son parcours fut toutefois brisé par le coup d'État de 2008 qui l'empêcha d'accomplir ses dernières ambitions présidentielles. Il laissa néanmoins l'image d'un grand serviteur de l'État, respecté au-delà des clivages partisans pour son intégrité et son dévouement à la nation guinéenne.