Moussa Dadis Camara, né le 1er janvier 1964 à Koulé en Guinée, est un officier militaire devenu président de la République de Guinée dans des circonstances controversées. Issu d'un milieu modeste de l'ethnie Kpelle, il a gravi les échelons de l'armée guinéenne avant de prendre le pouvoir par la force en décembre 2008, quelques heures après le décès du président Lansana Conté. Autoproclamé chef de la junte militaire du Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD), Camara s'est engagé à organiser des élections libres, mais ses actes ultérieurs ont rapidement démenti ses promesses démocratiques.
Sa présidence a toutefois tourné au drame lorsque la répression meurtrière des manifestations pacifiques du 28 septembre 2009 à Conakry a fait des centaines de morts et de blessés, choquant la communauté internationale. Grièvement blessé lors d'une tentative d'assassinat en décembre 2009, Camara a été contraint à l'exil au Burkina Faso avant de se convertir au catholicisme sous le nom de Moïse. De retour en Guinée en 2021, il a été arrêté et emprisonné pour être jugé pour les massacres de 2009, ravivant les blessures d'un pays meurtri en quête de justice et de stabilité.
Introduction
Moussa Dadis Camara, également connu sous le nom de Moïse Dadis Camara depuis sa conversion au catholicisme en 2010, est un officier militaire et homme d'État guinéen né le 1er janvier 1964 à Koulé, dans la préfecture de Nzérékoré. Il a accédé à la présidence de la République de Guinée de manière controversée en 2008 après un coup d'État militaire, avant d'être contraint à l'exil en 2010 suite à une tentative d'assassinat. Aujourd'hui emprisonné et jugé pour les événements sanglants de 2009, son parcours a été marqué par des rebondissements et des actes controversés qui ont façonné son image controversée en Guinée et sur la scène internationale.
Éducation
Moussa Dadis Camara est issu de l'ethnie Kpelle (appelée Guerze en Guinée) et a grandi dans la région forestière du sud-est du pays. Il a effectué ses études primaires et secondaires à Nzérékoré, à environ 40 km de son village natal de Koulé. Après l'obtention de son baccalauréat, il s'est inscrit à l'Université Abdel Nasser de Conakry, où il a étudié le droit et l'économie.
Formation militaire
En 1990, inspiré par le président burkinabé Blaise Compaoré, Moussa Dadis Camara a intégré l'armée guinéenne en tant que caporal. Il a poursuivi sa formation à la base militaire de Kindia, située à environ 100 km de Conakry. Par la suite, il a suivi des cours d'officier à Dresde, en Allemagne, et a obtenu un brevet de chef de section en gestion à Brême.
Entre 2001 et 2002, Camara a été envoyé en Sierra Leone dans le cadre d'une mission de maintien de la paix des Nations Unies (UNAMSIL). De retour en Guinée, il a occupé le poste de chef de la Section Essence au sein de la Direction générale de l'Intendance militaire des armées de Guinée.
En 2004, le président Lansana Conté l'a envoyé, avec d'autres soldats guinéens, suivre une formation militaire de 18 mois à Brême, en Allemagne. À son retour, il a effectué des études en capitainerie d'intendance et de logistique à l'École d'Infanterie de Hambourg, où il a obtenu un brevet de parachutiste-commando.
Carrière militaire
Après avoir occupé le poste de Chef de section des Essences et Ravitaillement à l'Intendance militaire des forces armées entre 2005 et 2007, Moussa Dadis Camara a été nommé directeur général des Essences et Lubrifiants en 2008. Parallèlement, il a suivi des cours à l'État-major de l'École militaire inter-armée de Guinée (EMIAG).
Avant le coup d'État de décembre 2008, Camara était relativement inconnu du grand public guinéen. Cependant, il était l'un des principaux mutins impliqués dans les troubles militaires qui ont secoué le pays cette année-là.
Prise de pouvoir
Le 22 décembre 2008, le président Lansana Conté est décédé après une longue maladie. Conformément à la Constitution, le président de l'Assemblée nationale, Aboubacar Somparé, devait assurer l'intérim jusqu'à l'organisation d'une nouvelle élection présidentielle dans un délai de 60 jours.
Cependant, dans la nuit du 23 décembre, le capitaine Moussa Dadis Camara est apparu à la télévision nationale pour annoncer la suspension de la Constitution, la dissolution du gouvernement et des institutions républicaines. Il a justifié ce coup d'État militaire par le "désespoir profond" du peuple guinéen face à la pauvreté généralisée et à la corruption endémique.
Le 24 décembre, Camara a été désigné chef du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), la junte militaire au pouvoir. Il s'est alors autoproclamé président de la République de Guinée par intérim, promettant l'organisation d'élections "libres, crédibles et transparentes" d'ici fin décembre 2010.
Président de la République
Dès sa prise de pouvoir, Moussa Dadis Camara a nommé Kabiné Komara, un banquier, au poste de Premier ministre le 30 décembre 2008. Il a également réitéré son engagement à organiser des élections démocratiques auxquelles ni lui ni les membres du CNDD ne seraient candidats.
Cependant, en avril 2009, il a menacé de se présenter à la présidentielle de fin 2009 si les critiques contre le CNDD persistaient. Cette déclaration a suscité l'inquiétude quant à ses véritables intentions démocratiques.
Dans un effort pour redorer l'image de la Guinée, réputée pour être une plaque tournante du trafic de drogue en Afrique de l'Ouest, Camara a lancé une campagne de lutte contre le narcotrafic. Celle-ci a été médiatisée à travers des "Dadis Show", des procès télévisés très suivis par la population.
Il a également cherché à attirer les investisseurs étrangers en rassurant les opérateurs économiques et en procédant à l'arrestation de hauts fonctionnaires et officiers supérieurs accusés de corruption sous l'ancien régime.
Le Dadis Show
Le "Dadis Show" est une expression née des allocutions et décisions improvisées et spectaculaires de Moussa Dadis Camara lors de ses apparitions médiatiques. Pendant ces shows très suivis, le président s'exprimait de manière spontanée, prononçant des discours aux paroles crues et annonçant des résolutions spectaculaires, parfois accompagnées de destitutions impromptues.
Ces shows étaient à la fois craints par les dignitaires du régime, qui risquaient d'être limogés à tout moment, et appréciés par une partie de la population qui y voyait un vent de changement et de transparence après des décennies d'opacité.
Événements du 28 septembre 2009
Le 28 septembre 2009, des manifestations ont eu lieu au Stade du 28 Septembre à Conakry, la capitale, pour demander le départ de Moussa Dadis Camara. Les forces de sécurité, notamment la garde présidentielle "Bérets rouges" menée par Abubakar "Toumba" Diakité, ont violemment réprimé les protestataires.
Au moins 157 personnes ont été tuées selon l'ONU, et plus de 1200 blessées. Des dizaines de femmes ont également été violées de manière brutale par les soldats, suscitant l'indignation internationale. Bien que le gouvernement ait minimisé les chiffres, des preuves accablantes, notamment des photos et vidéos, ont circulé sur Internet, révélant l'ampleur du massacre.
La Cour pénale internationale a ouvert une enquête pour crimes contre l'humanité, tandis que l'Union africaine et la communauté internationale ont condamné fermement la répression sanglante et réclamé la démission de Camara.
Tentative d'assassinat
Le 3 décembre 2009, Moussa Dadis Camara a été grièvement blessé par balle à la tête lors d'une tentative d'assassinat menée par son aide de camp, Abubakar "Toumba" Diakité, et d'autres membres de son entourage.
Selon certaines sources, Diakité aurait tenté d'éliminer Camara pour prendre le contrôle du pouvoir et éviter d'être tenu responsable des massacres du 28 septembre. D'autres suggèrent que Camara cherchait à rejeter la responsabilité de ces événements tragiques sur Diakité.
Grièvement blessé, Camara a été transféré au Maroc pour y recevoir des soins médicaux. Son garde du corps et son chauffeur ont été tués lors de l'attaque.
Exil au Burkina Faso
Face aux appels de la communauté internationale pour qu'il soit écarté du pouvoir, Moussa Dadis Camara a finalement été contraint à l'exil. Le 12 janvier 2010, il a été transféré au Burkina Faso, où le président Blaise Compaoré a négocié les conditions de son départ avec le vice-président Sékouba Konaté, désigné pour diriger la transition.
Un accord a été conclu le 15 janvier, stipulant que le pouvoir serait transféré aux civils dans un délai de six mois et que les militaires ne se présenteraient pas aux élections à venir. Camara devait poursuivre sa convalescence hors de Guinée.
C'est durant son exil burkinabé que Moussa Dadis Camara a décidé de se convertir au catholicisme, changeant son prénom musulman "Moussa" pour la version française "Moïse".
Emprisonnement et procès
Après son retour en Guinée le 22 décembre 2021, près de 12 ans après son départ forcé, Moïse Dadis Camara a été arrêté et emprisonné le 27 septembre 2022 dans l'attente de son procès pour les événements sanglants du 28 septembre 2009.
Son procès très médiatisé a débuté le 28 septembre 2022, Camara et 10 autres anciens militaires et responsables gouvernementaux étant accusés de meurtres, viols, incendies volontaires et autres crimes contre l'humanité perpétrés ce jour-là.
Malgré les protestations de ses avocats dénonçant des violations des droits de la défense, le procès s'est poursuivi dans un climat tendu, ravivant les blessures et traumatismes subis par les victimes et leurs familles.
Tentative d'évasion
Le 4 novembre 2023, une tentative d'évasion spectaculaire a eu lieu à la prison centrale de Conakry où Camara était détenu. Un groupe d'hommes lourdement armés a pris d'assaut la prison, permettant à Camara, ainsi qu'à trois autres ex-officiels jugés avec lui, de s'échapper temporairement.
Neuf personnes, dont 3 assaillants et 4 membres des forces de défense guinéennes, ont été tuées dans l'attaque. Camara et ses compagnons ont finalement été repris quelques heures plus tard.
Malgré cette tentative avortée, le procès a repris le 13 novembre après une suspension temporaire, le calvaire judiciaire de l'ex-président se poursuivant sous le feu des projecteurs.
Vie privée
Moussa Dadis Camara est né dans l'ethnie Kpelle (Guerze) et parle couramment 5 langues : le français, le kpelle, le soussou, le malinké et l'allemand, témoignant de son parcours militaire multinational.
Père de plusieurs enfants, il s'est converti au catholicisme en 2010 pendant son exil burkinabé, optant pour le prénom français "Moïse". Les raisons profondes de cette conversion religieuse demeurent nébuleuses.
Au-delà de sa carrière militaire mouvementée, peu de détails filtrent sur la vie privée et la personnalité intime de cet homme qui a profondément marqué l'histoire récente de la Guinée.
Conclusion
Le destin de Moussa Dadis Camara, de son vrai nom Moïse depuis sa conversion, illustre les tourments d'un pays déchiré par l'instabilité politique, les coups d'État militaires et la répression sanglante.
Propulsé au pouvoir dans des circonstances troubles en 2008, cet officier jusqu'alors obscur a rapidement perdu le soutien populaire initial en réprimant dans le sang un mouvement de protestation pacifique en 2009.
Forcé à l'exil après une tentative d'assassinat, converti au catholicisme, puis emprisonné à son retour au pays pour répondre de ces actes, Camara déchaîne encore aujourd'hui les passions en Guinée.
Son procès très médiatisé ravive les plaies d'un peuple meurtri, en quête de vérité, de justice et de stabilité après des décennies de dérives autoritaires. L'issue de cette épineuse affaire judiciaire pourrait marquer une étape clé dans la difficile transition démocratique de ce riche pays d'Afrique de l'Ouest.