Alpha Condé
Prénom
Alpha
Nom
Condé
Date de naissance
Pays de naissance
Guinée
Ville de naissance
Boké
Nationalité
Guinéenne
État civil
Marié
Enfants
Mohamed

Alpha Condé, né le 4 mars 1938 à Boké en Basse-Guinée, est une figure politique incontournable de la Guinée moderne. Issu d'une famille d'ethnie malinké, il entame très tôt un parcours d'opposant aux régimes autoritaires qui se succèdent dans le pays après l'indépendance en 1958. Contraint à l'exil en 1970 après avoir été condamné à mort par le président Ahmed Sékou Touré, il poursuit ses activités militantes depuis la France où il obtient plusieurs diplômes universitaires, dont un doctorat en droit. De retour en Guinée en 1991, il participe aux premières élections démocratiques mais est emprisonné pendant 2 ans après la réélection contestée de Lansana Conté en 1998.

C'est finalement en 2010 qu'Alpha Condé accède à la présidence, devenant à 72 ans le premier président démocratiquement élu de l'histoire guinéenne. Réélu en 2015, son mandat prend cependant un tour controversé lorsqu'il fait modifier la Constitution pour pouvoir se représenter en 2020, à 82 ans. Cette décision, et la répression sanglante des manifestations qui s'ensuivent, lui valent d'être perçu comme un dirigeant autoritaire. Le 5 septembre 2021, il est renversé par un coup d'État militaire mené par le colonel Mamady Doumbouya. Après un bref emprisonnement, Alpha Condé est autorisé à s'exiler en Turquie, où il reste cependant exposé à des poursuites judiciaires de la part du nouveau régime guinéen.

A lire dans cet article

Introduction

Alpha Condé est une figure historique de la Guinée moderne, un homme d'État qui a marqué son pays par sa longue lutte pour l'instauration de la démocratie. Né le 4 mars 1938 à Boké en Basse-Guinée, il a gravi les échelons de l'opposition politique sur plus de quatre décennies avant d'accéder à la présidence en 2010, devenant ainsi le premier président démocratiquement élu du pays. Son parcours a été semé d'embûches, rythmé par l'exil, l'emprisonnement et la persécution, mais Alpha Condé a fait preuve d'une ténacité remarquable dans sa quête de liberté et de justice. Bien que son règne se soit progressivement terni par des accusations de dérive autoritaire, il reste une figure emblématique de la transition démocratique en Guinée.

Enfance et éducation

Issu d'une famille d'ethnie malinké, Alpha Condé a grandi dans un contexte marqué par la domination coloniale française. Ses parents étaient originaires de Bobo Dioulasso, une ville du Burkina Faso voisin, mais son père avait émigré dans la région de Kankan pendant la période coloniale pour travailler comme cuisinier.

Alpha Condé a commencé sa scolarité à l'école primaire du Centre à Conakry, puis au collège des Pères à Dixinn. À l'âge de 15 ans, il part poursuivre ses études en France, après avoir obtenu son brevet. Il fréquente d'abord le lycée Pierre-de-Fermat à Toulouse, avant de rejoindre le lycée de Louviers, où il est pris en charge par Pierre Mendès France, qui devient son tuteur. Alpha Condé décroche finalement son baccalauréat au lycée Turgot à Paris.

Après un passage à la Sorbonne, il obtient une licence en sociologie, puis un diplôme d'études supérieures (DES), avant de décrocher un doctorat d'État en droit public à la faculté de droit de l'Université Paris I.

Carrière professionnelle

Après ses études, Alpha Condé entame une carrière dans l'enseignement, devenant chargé de cours à la faculté de droit et des sciences économiques de l'Université Paris I. Parallèlement, il s'engage dans le militantisme étudiant, fréquentant régulièrement la Fédération des Étudiants d'Afrique Noire en France (FEANF) dès ses années de lycée. En 1963, il est élu président de cette organisation.

Son activisme politique contre le régime autoritaire d'Ahmed Sékou Touré, alors président de la Guinée, lui vaut une condamnation à mort par contumace en 1970. Alpha Condé se retrouve alors contraint à l'exil.

Lutte politique

En 1977, dans la foulée des efforts de réconciliation entrepris par les présidents Sékou Touré, Félix Houphouët-Boigny et Léopold Sédar Senghor, Alpha Condé crée le Mouvement National Démocratique (MND) avec d'autres opposants guinéens. Ce mouvement subira plusieurs mutations, devenant successivement l'UJP (Unité, Justice, Patrie), le Rassemblement des Patriotes Guinéens (RPG), le Rassemblement du Peuple de Guinée, avant de prendre son appellation actuelle de RPG Arc-en-Ciel.

Opposant historique

Après la mort de Sékou Touré en 1984 et l'accession au pouvoir de Lansana Conté à la suite d'un coup d'État, Alpha Condé profite de l'ouverture démocratique des années 1990 pour rentrer en Guinée. Il participe alors à la première élection présidentielle multipartite du pays en 1993, mais Lansana Conté est déclaré vainqueur dans un climat de fraude dénoncé par l'opposition et les observateurs internationaux.

Élection présidentielle de 1993

Lors du scrutin de 1993, Alpha Condé fait figure de principal challenger face au président sortant Lansana Conté. Bien que crédité officiellement de 27% des voix, ses partisans contestent les résultats, notamment l'annulation par la Cour suprême des votes dans les préfectures de Kankan et Siguiri, où Condé était vraisemblablement majoritaire.

Élection présidentielle de 1998

En 1998, Alpha Condé se présente à nouveau à l'élection présidentielle, mais il est arrêté et emprisonné à la suite d'une tentative d'évasion avant même la fin du scrutin. Les résultats officiels donnent une nouvelle fois la victoire à Lansana Conté dès le premier tour, avec 56,1% des voix.

Emprisonnement et condamnation

Après son arrestation, Alpha Condé est maintenu en prison pendant plus de 20 mois avant d'être jugé par une cour spéciale constituée par le gouvernement. Cette longue détention sans procès soulève un mouvement de protestation international, avec notamment l'intervention d'Amnesty International et du Conseil de l'Union interparlementaire dénonçant une violation de ses droits.

Le 11 septembre 2000, il est finalement condamné à 5 ans de réclusion criminelle pour "atteintes à l'autorité de l'État et à l'intégrité du territoire national" et "emploi illégal de la force armée". Un jugement vivement critiqué dans la presse africaine et internationale.

Élection présidentielle de 2010

Après sa libération en mai 2001 à la suite d'une grâce présidentielle, Alpha Condé reprend les rênes de l'opposition guinéenne. Le coup d'État de 2008 mené par le capitaine Moussa Dadis Camara le pousse à exiger la tenue d'élections transparentes au sein du collectif des Forces Vives.

C'est finalement en 2010 qu'Alpha Condé remporte l'élection présidentielle, obtenant 52,5% des suffrages au second tour face à Cellou Dalein Diallo. Il devient ainsi le premier président démocratiquement élu de l'histoire de la Guinée.

Président de la République

Alpha Condé est investi président le 21 décembre 2010, en présence de nombreux chefs d'État africains. Il promet alors "une ère nouvelle" et se donne pour ambition de devenir "le Mandela de la Guinée" en unifiant et développant le pays.

Dès 2011 cependant, les premières critiques sur les atteintes à la liberté de la presse commencent à émerger, notamment de la part de Reporters Sans Frontières qui l'appelle à affirmer son attachement au pluralisme médiatique.

Sur le plan économique, son bilan est contrasté. Si la croissance annuelle reste relativement élevée (4% en moyenne) entre 2010 et 2017, le chômage stagne autour de 4,5% et l'inflation reste à deux chiffres. La dette publique connaît en revanche une nette amélioration, passant de 68% à 19% du PIB sur la même période.

Alpha Condé est également missionné comme médiateur dans le règlement de plusieurs crises politiques en Afrique, notamment en Côte d'Ivoire (2011), en Gambie (2017), au Togo (2017) et en Guinée-Bissau (2018).

Réélection de 2015

En 2015, Alpha Condé est réélu dès le premier tour avec 57,9% des voix, devançant largement son principal rival, Cellou Dalein Diallo (31,4%).

Réélection controversée de 2020

Mais c'est lors de sa tentative de briguer un troisième mandat présidentiel en 2020 que la controverse commence véritablement à entourer le président sortant. Dès septembre 2019, il suggère l'organisation d'un référendum pour modifier la Constitution et lever l'obstacle à sa candidature, suscitant un important mouvement de contestation mené par le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC).

Malgré les vives protestations de l'opposition, Alpha Condé maintient le cap et fait reporter les élections législatives initialement prévues en février 2020 pour les organiser simultanément avec le référendum constitutionnel le 22 mars. Le "oui" l'emporte alors facilement avec 89,76% des voix, selon les résultats officiels.

Le 31 août 2020, son parti annonce sa candidature pour un troisième mandat, attisant davantage la grogne populaire qui donne lieu à une vague de manifestations meurtrières pendant la campagne électorale. Réélu dès le premier tour le 18 octobre avec 59,5% des voix selon la Commission électorale, Alpha Condé voit sa victoire contestée par ses adversaires qui dénoncent des bourrages d'urnes massifs. Après le rejet des recours par la Cour constitutionnelle le 7 novembre, il est finalement investi pour un troisième mandat de 6 ans le 15 décembre 2020.

Coup d'État et chute

Mais la dérive autoritaire dénoncée par les défenseurs des droits humains finit par rattraper le président Condé. Le 5 septembre 2021, il est capturé et destitué par un groupe de militaires menés par le commandant des forces spéciales, le colonel Mamady Doumbouya.

Celui-ci annonce la dissolution des institutions et la suspension de la Constitution, mettant un terme au règne controversé d'Alpha Condé, désormais "largement considéré comme un dictateur" selon les mots de France 24. Le coup d'État intervient après que les forces de sécurité ont durement réprimé les manifestations contre le troisième mandat, faisant des dizaines de morts selon les ONG.

Exil en Turquie

Dans un premier temps détenu par la junte militaire, Alpha Condé est autorisé à se rendre en Turquie en janvier 2022 pour y recevoir des soins médicaux. Il s'installe alors à Istanbul, d'où il continue d'entretenir ses réseaux et de commenter la situation politique en Guinée, tout en ménageant un ton prudent envers ses geôliers.

En mai 2022, le nouveau pouvoir militaire annonce l'ouverture de poursuites judiciaires contre l'ancien président pour "assassinats, actes de torture et enlèvements" commis sous son règne. D'autres chefs d'inculpation, comme l'enrichissement illicite, la corruption ou le détournement de deniers publics s'ajouteront par la suite.

Confronté à une dégradation de son état de santé, Alpha Condé quitte temporairement la Turquie à plusieurs reprises en 2022 et 2023 pour recevoir des soins à l'étranger, dans le cadre d'"évacuations sanitaires" négociées avec la junte au pouvoir.

Prix et distinctions

Au fil de sa carrière, Alpha Condé a reçu plusieurs distinctions honorifiques, parmi lesquelles :

  • Docteur honoris causa de l'Université Générale Lansana Conté de Sonfonia
  • Docteur honoris causa de l'Institut d'État des Relations Internationales de Moscou
  • Ordre de l'Amitié de la Fédération de Russie
  • Grand-Croix de l'Ordre National du Mérite de la République de Guinée

Publications

Alpha Condé est également l'auteur de plusieurs ouvrages, dont :

  • "Un Africain engagé : ce que je veux pour la Guinée" (éditions Picollec, 2010)
  • "Guinée, Albanie d'Afrique ou néo-colonie américaine" (éditions Gît-le-cœur, 1972)
  • "Pour que l'espoir ne meure" (1985)
  • "Quel avenir pour la Guinée" (1984)
  • "Où allons-nous"
  • "Trois ans après"
  • "Le poisson pourrit par la tête"

Vie privée

Sur le plan personnel, Alpha Condé a été marié à trois reprises et est père d'un fils unique, Alpha Mohamed Condé. Polyglotte accompli, ce dernier a longtemps servi de conseiller et d'interprète auprès de son père, avant de se tenir désormais à l'écart de la sphère publique.

Bien qu'atteint par l'âge - il a célébré son 85ème anniversaire en mars 2023 - l'ancien président n'a rien perdu de sa verve militante. Depuis son exil turc, il continue d'appeler ses partisans à la résistance, tout en fustigeant vertement la junte au pouvoir "incapable de satisfaire les besoins de la population guinéenne".

Conclusion

Le parcours d'Alpha Condé illustre les profondes convulsions ayant agité la Guinée ces dernières décennies. D'opposant historique bravant la prison et l'exil, il est devenu en 2010 un président réformateur, porteur d'immenses espoirs pour la démocratisation du pays.

Mais alors que de nombreux Guinéens le percevaient comme un "Mandela" en puissance, c'est finalement le spectre de l'autoritarisme qui a fini par rattraper son règne, jusqu'à provoquer sa chute par un coup d'État militaire en 2021. Contraint à l'exil à Istanbul, Alpha Condé conserve toutefois un réseau de soutiens qui continuent de voir en lui un mal nécessaire après des décennies de régimes dictatoriaux.

Son destin demeure aujourd'hui suspendu aux prochains développements politiques en Guinée. Sera-t-il un jour jugé pour les dérives de ses dernières années au pouvoir ? Ou bien son long combat pour la démocratie lui vaudra-t-il d'être célébré comme un libérateur malmené par le poids des héritages ? L'Histoire tranchera, mais Alpha Condé restera à coup sûr une figure incontournable des tourments ayant jalonné les 60 dernières années de l'histoire guinéenne.

 

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