Almamy Ahmadou Dara

Almamy Ahmadou Dara
Prénom
Almamy Ahmadou
Nom
Dara
Surnom
Almamy de Fouta
Pays de naissance
Guinée

Almamy Ahmadou Dara (1873-1894) était le 13ème Suzerain du Fouta théocratique de la branche Alfaya, une figure historique majeure de la Guinée précoloniale. Frère d'Almamy Ibrahima Sory Dara 1er, il accède au pouvoir dans des circonstances particulières après avoir bénéficié d'une déposition anticipée de l'Almamy Soriya en place. Malgré des moyens limités hérités de son père, il mène plusieurs campagnes militaires et religieuses importantes, notamment dans le Kolissoko où il impose l'islam aux populations Soussous et Bagas.

Son règne est particulièrement marqué par sa gestion complexe du diiwal de Labé et ses relations diplomatiques avec la France coloniale, signant plusieurs accords historiques avec les représentants français (Sanderval, Beckmann, Alby) entre 1881 et 1893. Bien que résistant à l'établissement d'un protectorat explicite, son règne représente une période charnière qui préfigure la fin de l'indépendance du Fouta théocratique, survenue peu après sous le règne de son successeur.

A lire dans cet article

Biographie

Almamy Ahmadou Dara (1873-1894) fut le 13ème Suzerain du Fouta théocratique, issu de la branche Alfaya, l'une des deux lignées dirigeantes du Fouta-Djalon avec les Soriya. Cette période s'inscrit dans un contexte de transformation profonde de la région, marquée par les pressions coloniales croissantes et les luttes internes de pouvoir. Il était le frère d'Almamy Ibrahima Sory Dara 1er, dont la mort tragique en 1872 allait précipiter son accession au pouvoir.

La prise de pouvoir d'Ahmadou Dara illustre la complexité des successions dans le système politique du Fouta-Djalon. En 1872, à l'annonce du massacre de son frère, il pose sa candidature pour lui succéder. Bien que légitime héritier, il se trouve confronté au système d'alternance entre les branches Alfaya et Soriya qui régissait le Fouta théocratique. Son accession anticipée au pouvoir est rendue possible par une manœuvre politique : la destitution de l'Almamy Soriya en place, orchestrée par Thierno Abdoul Wahabi, doyen du conseil des Anciens.

Contrairement à la tradition des Almamy Soriya qui disposaient généralement d'importantes ressources, Ahmadou Dara hérite d'une situation matérielle modeste. Son patrimoine familial se limitait, selon les chroniques, à un seul esclave et quelques têtes de bétail, un héritage qu'il devait partager avec de nombreux héritiers. Cette situation financière précaire influencera certaines de ses décisions politiques et militaires futures.

Dès son accession officielle au pouvoir en 1876, Ahmadou Dara entreprend une série de réformes administratives, particulièrement visibles dans sa gestion du diiwal (province) de Labé :

  • Il dépose Alfa Ghasimou suite à l'assassinat de son frère Abdoulaye
  • Nomme successivement plusieurs chefs : Alfa Souleymane, Alfa Mamadou Pellel Kahi, et Alfa Mamadou Aliou Bendiou
  • Ces changements fréquents témoignent de sa volonté de maintenir un contrôle strict sur cette province stratégique, mais aussi des difficultés à stabiliser le pouvoir local

Son règne est marqué par plusieurs expéditions militaires et religieuses significatives :

  • Une campagne malheureuse contre Madina-Kouta dans le Kourounya en 1880, qui se solde par une défaite
  • Une importante mission d'islamisation dans le Kolissoko en 1885, où il mobilise une armée considérable, notamment des guerriers du Labé
  • Cette dernière campagne aboutit à l'imposition de l'islam et d'un système tributaire aux populations Soussous et Bagas, démontrant sa capacité à combiner expansion religieuse et politique

Ahmadou Dara joue un rôle crucial dans les relations avec la France coloniale, signant plusieurs accords historiques :

  • L'accord du 10 juillet 1881 avec Aimé Olivier de Sanderval, prévoyant la construction d'une ligne ferroviaire
  • Le traité du 14 décembre 1891 avec Beckmann
  • L'accord du 23 mai 1893 avec Alby

Ces négociations révèlent sa volonté de maintenir l'autonomie du Fouta-Djalon tout en s'adaptant aux nouvelles réalités géopolitiques. Bien qu'il résiste à l'établissement d'un protectorat explicite et à la présence permanente d'un représentant français à Timbo, ces accords constituent les premières étapes vers l'influence française croissante dans la région.

Le règne d'Ahmadou Dara représente une période charnière dans l'histoire du Fouta-Djalon. Son leadership s'exerce dans un contexte de transformation profonde, où le modèle traditionnel de gouvernance théocratique fait face aux pressions de la modernisation et de la colonisation. Ses efforts pour maintenir l'équilibre entre tradition et adaptation aux nouvelles réalités illustrent les défis auxquels font face les États africains précoloniaux à la fin du XIXe siècle.

Sa période de gouvernance préfigure les changements majeurs qui aboutiront à la fin de l'indépendance du Fouta théocratique en 1898, lors de la défaite du dernier Almamy, Boubacar Biro Barry, face aux forces coloniales françaises. L'héritage d'Ahmadou Dara reste significatif dans l'histoire de la Guinée, représentant l'une des dernières tentatives de préserver l'autonomie politique du Fouta-Djalon tout en négociant avec les puissances coloniales.

Cette période de son règne permet également de comprendre les dynamiques complexes qui caractérisaient les relations entre les différentes provinces du Fouta-Djalon, ainsi que les défis de gouvernance dans un système politique traditionnel confronté aux pressions de la modernisation et de la colonisation.