Jeanne Martin Cissé (1926-2017) fut une figure emblématique de la Guinée et de l'Afrique, dont le parcours remarquable illustre l'émergence des femmes africaines sur la scène politique internationale au XXe siècle. Née à Kankan dans une famille métisse valorisant l'éducation, elle devient l'une des premières enseignantes guinéennes avant de s'engager en politique. Son ascension la conduit à des postes de haute responsabilité, notamment comme première femme à présider le Conseil de sécurité des Nations unies en 1972, ministre des Affaires sociales de Guinée et présidente du Comité spécial contre l'apartheid.
Militante infatigable pour les droits des femmes et figure importante du panafricanisme, elle a marqué l'histoire par son engagement dans la lutte contre l'apartheid et pour l'émancipation des femmes africaines. Malgré les épreuves personnelles, dont l'emprisonnement et la mort de son second mari au camp Boiro et sa propre détention après la mort de Sékou Touré, elle a poursuivi son combat jusqu'à sa mort à Conakry, laissant derrière elle un héritage d'engagement et de résilience pour les générations futures.
A lire dans cet article
Jeanne Martin Cissé fut une figure marquante de l'histoire guinéenne et africaine, première femme à présider le Conseil de sécurité des Nations unies et militante infatigable pour les droits des femmes et la lutte contre l'apartheid. Son parcours extraordinaire illustre l'émergence des femmes africaines sur la scène politique internationale au XXe siècle.
Jeunesse et formation
Née le 6 avril 1926 à Kankan en Guinée, Jeanne Martin Cissé grandit dans une famille multiculturelle. Aînée d'une fratrie de sept enfants, elle est la fille de Darricau Martin, un employé des PTT métis d'origine malinké, et de Damaye Soumah, une sage-femme diplômée issue d'une famille soussou. Cette double ascendance et l'importance accordée par ses parents à l'éducation façonnent sa vision du monde dès son plus jeune âge.
En 1940, elle réussit le concours d'entrée à l'École normale des jeunes filles de l'Afrique de l'Ouest, devenant la première jeune fille de Kankan à accomplir cette prouesse. Elle poursuit ses études à l'École normale de Rufisque au Sénégal, sous la direction de Germaine Le Goff. Cette institution joue un rôle déterminant dans sa formation, lui inculquant non seulement des compétences pédagogiques mais aussi une conscience panafricaine et un engagement pour la condition féminine.
Carrière dans l'enseignement
Diplômée en 1944, Jeanne Martin Cissé devient l'une des premières enseignantes guinéennes de son pays. Elle commence sa carrière à l'école des filles de Kankan, incarnant le rôle de pionnière dans l'éducation féminine en Guinée. De 1954 à 1958, elle occupe le poste de directrice d'école, contribuant activement au développement de l'éducation dans son pays.
Engagement politique et syndical
Son parcours politique débute en 1946 lorsqu'elle rejoint l'Union mandingue. Après sa rencontre avec Sékou Touré, alors syndicaliste PTT, elle adhère au Rassemblement démocratique africain (RDA) en décembre 1947. Son engagement politique s'intensifie au fil des années, particulièrement après l'indépendance de la Guinée en 1958.
Sa carrière politique connaît une ascension remarquable :
1968 : Élection comme députée au Parlement guinéen
1971 : Entrée au comité central puis au bureau politique du Parti démocratique guinéen
1972-1976 : Représentante permanente de la Guinée aux Nations unies
1976 : Nomination comme ministre des Affaires Sociales
Activisme international
L'engagement de Jeanne Martin Cissé pour les causes panafricaines et féministes se manifeste à travers plusieurs rôles cruciaux :
1962-1974 : Secrétaire générale de la Conférence des femmes africaines
1963-1969 : Représentante guinéenne à la Commission de la condition de la femme de l'ONU
1972 : Première femme à présider le Conseil de sécurité des Nations unies
1974 : Présidente du Comité spécial contre l'apartheid des Nations unies
Son action diplomatique est particulièrement remarquable dans la lutte contre l'apartheid, multipliant les déplacements internationaux pour soutenir l'ANC et dénoncer le régime sud-africain.
Épreuves et résilience
La vie de Jeanne Martin Cissé est aussi marquée par des épreuves personnelles et politiques. Elle perd son premier mari, Mohamed Camara, dans un accident de voiture en 1946. Son second époux, Ansoumane Touré, meurt en détention au camp Boiro en 1971. Après la mort de Sékou Touré en 1984, elle est elle-même emprisonnée pendant treize mois avant d'être libérée sans charges. Ces expériences douloureuses ne l'empêchent pas de poursuivre son engagement pour les causes qui lui tiennent à cœur.
Publications
Son autobiographie, "La fille du Milo", publiée en 2009 aux Éditions Présence Africaine, constitue un témoignage précieux sur son parcours et l'histoire de la Guinée, même si elle choisit de ne pas se prononcer sur le régime de Sékou Touré.
Prix et reconnaissances
1975 : Prix Lénine international pour le renforcement de la paix entre les nations
2002 : Ordre des Compagnons de O.R. Tambo en argent, décerné par le président sud-africain pour sa contribution à la lutte contre l'apartheid
Vie privée
Jeanne Martin Cissé a été mariée deux fois : d'abord à Mohamed Camara en 1946, puis à Ansoumane Touré en 1948. Mère de six enfants, elle a su concilier vie familiale et engagements politiques dans un contexte souvent difficile.
Conclusion
Décédée le 21 février 2017 à Conakry, Jeanne Martin Cissé laisse l'héritage d'une femme qui a brisé de nombreux plafonds de verre, ouvrant la voie à des générations de femmes africaines en politique. Son parcours exceptionnel, de l'école de Rufisque aux plus hautes instances internationales, illustre l'émergence des femmes africaines sur la scène politique mondiale et leur contribution à la lutte pour l'égalité et la justice. Figure de proue du panafricanisme et du combat pour les droits des femmes, elle incarne la résilience et l'engagement des femmes africaines dans la construction de leurs nations et la défense des droits humains.