Ibrahima Kassory Fofana

Introduction

Ibrahima Kassory Fofana est une figure incontournable de la politique guinéenne contemporaine. Né en 1954 dans la vile de Forécariah en Basse-Guinée, cet économiste de formation a gravi les échelons du pouvoir pour devenir l'un des hommes les plus influents du pays. Son parcours professionnel et politique est marqué par des succès retentissants, mais aussi par des revers de fortune qui ont fait de lui un personnage controversé. De ses débuts en tant que directeur adjoint au ministère de la Coopération internationale à son ascension au poste de Premier ministre sous la présidence d'Alpha Condé, en passant par son exil aux États-Unis, Ibrahima Kassory Fofana a connu une trajectoire mouvementée qui mérite d'être retracée.

Education

Issu d'une famille modeste de paysans et d'imams de mosquée, Ibrahima Kassory Fofana a su tirer parti de ses capacités intellectuelles pour se frayer un chemin vers le sommet. Après des études primaires et secondaires dans sa région natale, il intègre la faculté de comptabilité de l'Université de Conakry, où il décroche son diplôme.

Parcours professionnel

Dès 1978, Ibrahima Kassory Fofana entame une carrière prometteuse au sein de l'administration guinéenne. Il est nommé directeur adjoint du bureau d'études du ministère de la Coopération internationale, une position qui lui permet de se familiariser avec les rouages de la gouvernance et de tisser des liens précieux avec les instances internationales.

Au fil des années, Fofana gravit les échelons ministériels, occupant successivement les postes de directeur général de la Coopération internationale en 1986 et directeur général des Investissements publics en 1991. Son expertise en matière de finances et d'investissements lui vaut également d'être nommé gouverneur pour la Guinée à la Banque africaine de développement de 1996 à 2000, ainsi qu'administrateur pour la Guinée au Fonds monétaire international de 1998 à 2000.

Ministre sous Lansana Conté

C'est sous la présidence de Lansana Conté que Ibrahima Kassory Fofana connaît son véritable envol politique. En 1994, il est nommé ministre sans portefeuille à la présidence, chargé de la restructuration des entreprises publiques dans le cadre de la transition de l'économie guinéenne vers un modèle libéral.

Deux ans plus tard, en 1996, Fofana devient ministre du Budget et de la Restructuration du secteur parapublic, un poste clé qui lui permet de mettre en œuvre des réformes ambitieuses. Il initie notamment un programme de lutte anti-corruption, une première en Guinée, qui aboutit à des arrestations et poursuites judiciaires de cadres impliqués dans des malversations.

En 1997, Ibrahima Kassory Fofana accède au portefeuille stratégique de ministre de l'Économie et des Finances, qu'il conservera jusqu'en 2000. Durant cette période, il gère la reprise des relations avec le FMI et la Banque mondiale, met en œuvre le programme d'ajustement structurel du pays et lance un vaste programme d'assainissement du fichier de la fonction publique, permettant des économies substantielles sur la masse salariale de l'État.

Exil aux États-Unis

Malgré ses réalisations remarquables, Ibrahima Kassory Fofana quitte le gouvernement en 2000, dans des circonstances controversées. Certains évoquent un conflit avec l'armée autour des dépenses militaires, tandis que d'autres soupçonnent une machination orchestrée par l'entourage de Lansana Conté pour l'écarter du pouvoir.

Quoi qu'il en soit, Fofana décide de s'exiler, d'abord au Sénégal, puis aux États-Unis, où il passera plusieurs années à l'écart de la scène politique guinéenne.

Création du Parti Guinée Pour Tous (GPT)

En 2009, après la mort de Lansana Conté et l'instauration d'une transition militaire, Ibrahima Kassory Fofana fait son retour à Conakry. Il fonde alors le Parti Guinée Pour Tous (GPT), une formation politique qui se distingue par son rejet du communautarisme ethnique, un fléau récurrent dans le paysage politique guinéen.

Élection présidentielle de 2010

Fort de son nouveau parti, Fofana se lance dans la course à la présidence lors de la première élection démocratique du pays en 2010. Parmi les 24 candidats en lice, il présente un programme axé sur l'amélioration de la gouvernance, la décentralisation et l'intégration régionale. Malgré une campagne dynamique, il ne récolte que 0,66% des suffrages au premier tour, se classant à la onzième place.

Au second tour, Ibrahima Kassory Fofana apporte son soutien à Alpha Condé, qui remportera finalement l'élection avec 52,52% des voix.

Alliance avec le RPG

Bien que soutien d'Alpha Condé lors de la présidentielle de 2010, Ibrahima Kassory Fofana se brouille rapidement avec le nouveau chef de l'État autour de l'organisation contestée des premières élections législatives démocratiques du pays. Il rejoint alors les rangs de l'opposition et participe activement aux manifestations de rue réclamant la transparence du scrutin.

Cependant, après les élections législatives de septembre 2013, où le GPT obtient un siège sur 114, Fofana opère un rapprochement avec Alpha Condé, qui le sollicite pour l'aider au redressement économique de la Guinée. Ibrahima Kassory Fofana décide alors de faire une "alliance utile" en rejoignant le camp présidentiel.

Ministre d'État chargé des Investissements

En 2014, Ibrahima Kassory Fofana est nommé au poste nouvellement créé de ministre d'État auprès du président Alpha Condé, chargé des questions d'investissement et des partenariats public-privé (PPP). Dans cette fonction stratégique, il coordonne les efforts déployés au niveau national et international pour mobiliser les ressources nécessaires aux investissements prioritaires du pays.

C'est sous son impulsion que la Guinée se tourne vers de nouveaux partenaires émergents, comme la Chine, auprès de laquelle Fofana parvient à décrocher 20 milliards de dollars d'investissements.

Premier ministre

Le 21 mai 2018, Ibrahima Kassory Fofana accède au sommet du pouvoir exécutif en étant nommé Premier ministre de la Guinée par le président Alpha Condé. Son mandat est clair : mettre l'accent sur le social et assurer un meilleur partage des fruits de la croissance économique.

Dans un contexte sociopolitique tendu, marqué par des manifestations de l'opposition réprimées dans la violence, Fofana interdit les rassemblements et renforce le dispositif sécuritaire, déclarant préférer "l'ordre à la loi".

Ambitieux, il se fixe pour objectif de sortir 40% des Guinéens de l'extrême pauvreté d'ici 2025, soit environ 6 millions de personnes. Pour dégager les marges budgétaires nécessaires, il initie une réforme de la gouvernance fiscale visant à relever le défi économique..

Mise en œuvre des réformes socio-économiques

Une fois nommé Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana se lance dans la mise en œuvre d'un vaste programme de réformes socio-économiques. Soucieux d'assurer une croissance "qui se mange", comme il aime à le dire, il multiplie les initiatives pour lutter contre la pauvreté et améliorer les conditions de vie des Guinéens.

L'une de ses principales réalisations est l'affectation de 15% des recettes minières perçues par l'État aux communes du pays, via la création d'un fonds de développement local. Cette mesure vise à redistribuer une partie des richesses nationales au profit des populations locales, souvent laissées pour compte malgré l'abondance des ressources naturelles du pays.

Sur le plan fiscal, Fofana entreprend une réforme ambitieuse de la gouvernance, avec pour objectif d'augmenter le taux de pression fiscale de 13,5% à 20% d'ici 2025. Cette stratégie doit permettre de dégager les ressources nécessaires au financement des programmes sociaux et au développement des infrastructures.

Confirmation au poste de Premier ministre

Malgré des tensions croissantes avec le président Alpha Condé, réputé pour sa gouvernance solitaire, Ibrahima Kassory Fofana est reconduit dans ses fonctions de Premier ministre le 15 janvier 2021, après la réélection contestée de Condé pour un troisième mandat.

Cependant, les divergences entre les deux hommes s'accentuent, Fofana déplorant le manque de marge de manœuvre que lui accorde le chef de l'État dans la gestion des affaires du pays.

Coup d'État de 2021 et dissolution du gouvernement

Le 5 septembre 2021, un coup d'État militaire met brutalement fin au règne d'Alpha Condé et au gouvernement d'Ibrahima Kassory Fofana. Les putschistes, menés par le colonel Mamady Doumbouya, dissolvent toutes les institutions de l'État guinéen, y compris le gouvernement.

Fofana se retrouve ainsi évincé du pouvoir, victime collatérale d'un soulèvement populaire contre la dérive autoritaire du régime Condé.

Présidence du RPG-Arc-en-ciel

Six mois après le coup d'État, Ibrahima Kassory Fofana fait un retour remarqué sur la scène politique en prenant la tête du RPG-Arc-en-ciel, l'ancien parti au pouvoir. Le 8 mars 2022, il est désigné président du "conseil exécutif provisoire" de la formation, avant d'être officiellement installé le 31 mars suivant.

Cette nomination souligne le poids politique encore considérable de Fofana, malgré sa récente éviction du pouvoir. Elle témoigne également de sa volonté de rester un acteur incontournable de la vie politique guinéenne.

Arrestation et poursuites judiciaires

Cependant, les ennuis judiciaires ne tardent pas à rattraper Ibrahima Kassory Fofana. Le 6 avril 2022, à peine quelques jours après avoir pris les rênes du RPG, il est arrêté et placé sous mandat de dépôt à la Maison centrale de Conakry par la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF).

Fofana est poursuivi pour des faits présumés d'enrichissement illicite et de détournements de deniers publics, dans le cadre d'une vaste opération judiciaire visant plusieurs hauts responsables du régime déchu d'Alpha Condé.

Initialement, une libération sous contrôle judiciaire moyennant une amende de 20 milliards de francs guinéens était envisagée pour Fofana le 19 mai 2022. Mais le procureur de la CRIEF s'y est finalement opposé, maintenant l'ancien Premier ministre en détention.

Procès en cours

En novembre 2022, le procès d'Ibrahima Kassory Fofana et d'environ 180 autres membres du régime Condé s'ouvre devant la CRIEF. Les chefs d'accusation sont nombreux : corruption, enrichissement illicite, blanchiment d'argent, faux et usage de faux en écriture publique, détournement de deniers publics et complicité.

Ce procès hors norme, qui pourrait durer plusieurs mois, est scruté de près par l'opinion publique guinéenne, avide de voir la lumière faite sur les malversations présumées de l'ancien pouvoir.

Pour Ibrahima Kassory Fofana, il s'agit d'un nouveau rebondissement dans un parcours jalonnés de hauts et de bas, d'ascensions fulgurantes et de chutes brutales. Quelle que soit l'issue de cette épreuve judiciaire, l'ancien Premier ministre a déjà marqué l'histoire politique récente de la Guinée, tant par ses réalisations que par ses revers de fortune.

Conclusion

Le parcours d'Ibrahima Kassory Fofana illustre à merveille les aléas de la vie politique guinéenne, où les fortunes peuvent basculer du jour au lendemain. Cet économiste de formation, issu d'un milieu modeste, a su tirer parti de ses compétences pour atteindre les plus hautes sphères du pouvoir.

Réformateur ambitieux sous la présidence de Lansana Conté, puis bref exilé avant de rebondir sur la scène politique, Fofana a ensuite connu une ascension fulgurante sous le régime d'Alpha Condé, devenant l'un de ses plus proches collaborateurs avant d'accéder au poste de Premier ministre.

Mais son passage au sommet de l'État a été de courte durée, interrompu par un coup d'État militaire qui a balayé le pouvoir en place. Depuis, Ibrahima Kassory Fofana alterne entre retours remarqués, comme à la tête du RPG, et ennuis judiciaires liés aux dérives présumées du régime Condé.

Qu'il soit acquitté ou condamné dans le cadre du vaste procès en cours, Fofana restera une figure marquante de l'histoire politique guinéenne récente, symbole d'une nation en quête de stabilité et de progrès socio-économique après des décennies de turbulences.