L'enlèvement brutal d'Abdoul Sacko, coordinateur du Forum des Forces Sociales de Guinée, survenu le 19 février 2025, n'est que le dernier épisode d'une sinistre série qui plonge la Guinée dans une spirale de terreur d'État. Des hommes cagoulés qui brisent les plafonds en pleine nuit, une famille terrorisée, un activiste ligoté et emmené vers une destination inconnue - ce scénario, désormais tristement familier, marque le retour des pratiques les plus sombres que le pays a connues depuis Sékou Touré.
Sous le régime du CNRD, les enlèvements sont devenus une méthode de gouvernance. L'affaire Foniké Menguè et Billo Bah en juillet 2024 en est l'illustration parfaite : deux activistes politiques arrachés à leur domicile par des hommes en tenue militaire, sans mandat, sans trace. Sept mois plus tard, leurs familles attendent toujours des réponses, pendant que les autorités maintiennent un silence assourdissant sur leur sort.
Le mode opératoire est systématique : des véhicules militaires, des hommes cagoulés, des enlèvements nocturnes, une violence démonstrative. L'objectif est clair : terroriser non seulement les victimes, mais l'ensemble de la société civile. Le message est reçu : aujourd'hui en Guinée, personne n'ose plus élever la voix, de peur d'être le prochain sur la liste.
La fermeture des principaux médias en mai 2024 a créé un black-out informationnel qui facilite ces exactions. L'arrestation violente du journaliste Habib Marouane Camara en décembre 2024 illustre la détermination du régime à faire taire toute voix critique. Quand le Premier ministre guinéen affirme qu'« un seul mot mal placé peut mettre le feu aux poudres », il ne fait que confirmer cette politique de la terreur.
La réponse de la communauté internationale, bien que vocale, reste insuffisante. Malgré les interventions de l'ONU, de la CEDEAO, de la CPI et de nombreuses ONG, les enlèvements continuent. Les plaintes déposées, comme celle de l'avocat de Sacko auprès du procureur de Dixinn concernant les menaces de disparition forcée, restent lettre morte. Le système judiciaire, censé protéger les citoyens, semble paralysé ou complice.
La Guinée se trouve aujourd'hui à un carrefour dangereux. Ces enlèvements systématiques rappellent les heures les plus sombres des régimes de Sékou Touré, Lansana Conté et Alpha Condé, mais avec une intensité nouvelle sous le CNRD. Le risque est grand de voir ces pratiques se normaliser, transformant la Guinée en un État où la terreur devient l'instrument privilégié du pouvoir.
L'heure n'est plus aux condamnations de principe. La communauté internationale doit prendre des mesures concrètes pour contraindre le régime à rendre des comptes. Les vies de Sacko, Menguè, Billo Bah, Camara et de tous les autres disparus en dépendent. Sans une intervention décisive, la Guinée risque de s'enfoncer dans une nouvelle ère de répression où les disparitions forcées ne seront plus l'exception, mais la règle. Le temps presse, car chaque jour qui passe voit s'allonger la liste des disparus.