Elhadj Ibrahima Kaba Bah

Elhadj Ibrahima Kaba Bah
Prénom
Ibrahima Kaba
Nom
Bah
Date de naissance
Date de décès
Pays de naissance
Guinée
Ville de naissance
Labé

Ibrahima Kaba Bah (1931-2023) était un éminent professeur de physique et chimie, syndicaliste et intellectuel guinéen originaire de Labé. Directeur de l'École normale de Kindia puis enseignant à l'Institut Polytechnique Gamal Abdel Nasser de Conakry, il fut emprisonné pendant six ans au Camp Boiro pour ses activités syndicales sous le régime répressif de Sékou Touré. Témoin et défenseur de l'indépendance guinéenne de 1958, il était également écrivain et traducteur en langue pulaar, contribuant activement à la préservation culturelle de son pays.

Marié à la professeure Diallo Aminatou, père de plusieurs enfants dont le fondateur de Guineenews.org, il a laissé un héritage durable dans l'éducation guinéenne, reconnu par l'attribution de son nom à un lycée public. Sa vie, marquée par la résilience face à l'oppression politique et le dévouement à l'enseignement, illustre le parcours d'une figure intellectuelle majeure ayant traversé les périodes tumultueuses de l'histoire contemporaine de la Guinée.

A lire dans cet article

Introduction

Ibrahima Kaba Bah, éminent professeur et syndicaliste guinéen, est né en 1931 à Labé, dans la région montagneuse du Fouta-Djalon en Guinée. Son parcours remarquable, entre enseignement, militantisme et résilience face à la répression politique, en fait une figure emblématique de l'histoire contemporaine guinéenne. Décédé le 24 octobre 2023 à l'âge de 92 ans dans sa ville natale, il laisse derrière lui un héritage intellectuel et moral considérable.

Formation et débuts professionnels

Après avoir effectué ses études primaires à Labé, Ibrahima Kaba Bah poursuit sa formation universitaire à Nancy, en France. Cette éducation de qualité lui permet de se spécialiser en physique et chimie, disciplines qu'il enseignera avec passion tout au long de sa carrière.

À son retour en Guinée, il intègre le corps enseignant et gravit rapidement les échelons professionnels. Sa compétence et son dévouement le conduisent à être nommé directeur de l'École normale de Kindia, une institution clé dans la formation des enseignants guinéens.

Le tournant de 1961

L'année 1961 marque un tournant dramatique dans la vie d'Ibrahima Kaba Bah. Alors qu'il dirige l'École normale de Kindia, une révolte étudiante éclate contre le président Sékou Touré. Ce dernier, percevant une menace dans le milieu éducatif, fait fermer l'établissement et lance une vague de répression contre les enseignants, accusés de comploter contre le régime.

Ibrahima Kaba Bah, en tant que membre actif du Syndicat des Enseignants de la République de Guinée, est arrêté et transféré au camp de Camayenne, qui deviendra plus tard le tristement célèbre Camp Boiro. À l'issue d'un procès que beaucoup considèrent comme une parodie de justice, il est condamné à six ans d'emprisonnement aux côtés d'autres syndicalistes comme Keïta Koumandian.

Ces condamnations déclenchent une révolte générale parmi les élèves et étudiants guinéens, sévèrement réprimée par le régime. Cette période difficile témoigne de l'engagement d'Ibrahima Kaba Bah pour la liberté d'expression et les droits des enseignants, une cause pour laquelle il a accepté de sacrifier sa liberté personnelle.

Carrière académique

Libéré en 1966 après avoir purgé sa peine, Ibrahima Kaba Bah ne se laisse pas abattre. Il est affecté à l'Institut Polytechnique de Kankan où il reprend son activité d'enseignant. Sa vie reste néanmoins marquée par l'instabilité politique du régime de Sékou Touré : en 1971, il est brièvement arrêté lors d'une grande purge politique.

En 1972, suite au décès de son oncle Baldé Chaïkou, patriarche de la famille des N'Duyèbhé de Labé, il retourne dans sa ville natale. Deux ans plus tard, en 1974, suite à un rapport secret d'Aboubacar Somparé, il est affecté à l'Institut Polytechnique Gamal Abdel Nasser de Conakry. Dans cette institution prestigieuse, il poursuit son œuvre éducative avant d'être nommé premier directeur du Bureau guinéen des droits d'auteurs, un poste qui reconnaît son expertise et son intégrité.

Témoin et acteur de l'indépendance

Ibrahima Kaba Bah a été un témoin privilégié de l'indépendance de la Guinée, un événement historique qu'il évoquait avec fierté et précision. Dans une interview accordée à Guineematin.com en 2022, il rappelait les circonstances du "Non" guinéen au référendum proposé par le général de Gaulle le 28 septembre 1958 : "Le 28 septembre, on a voté, on a dépouillé et on a trouvé la majorité des bulletins NON."

Pour lui, cette décision historique représentait avant tout un choix de dignité : "Pour devenir libre et autonome, la Guinée a opté le 28 septembre 1958 pour le Non au référendum, réclamant son indépendance, sa souveraineté. Or, il n'y a pas de dignité sans liberté."

Face aux critiques estimant que l'indépendance guinéenne avait été précipitée, il répondait avec conviction : "Ceux qui disent que la Guinée a eu tort d'avoir réclamé son indépendance en 1958 se trompent. Nous voulions l'indépendance depuis longtemps. [...] On est fier de cette indépendance parce que l'indépendance de la Guinée a précipité la liberté des autres pays, car deux ans après, les autres colonies d'Afrique ont emboîté les pas de la Guinée pour réclamer leur souveraineté."

Contributions intellectuelles et culturelles

Au-delà de son engagement dans l'enseignement et le syndicalisme, Ibrahima Kaba Bah a laissé une empreinte durable dans le domaine culturel. Auteur prolifique, il a écrit plusieurs ouvrages en langue pulaar, contribuant ainsi à la préservation et à la diffusion de cette langue ouest-africaine.

Ses travaux incluent notamment des traductions d'œuvres majeures de la littérature française, rendant accessibles ces textes à un public pulaarophone. Il a également rédigé la biographie d'Elhadj Bah Thiernö Abdourahamane, ancien ministre des affaires religieuses de Guinée, enrichissant ainsi la documentation historique sur les figures politiques et religieuses de son pays.

Reconnaissance et héritage

L'importance d'Ibrahima Kaba Bah dans le paysage éducatif et intellectuel guinéen a été reconnue de son vivant. En 2020, l'ancien président Alpha Condé lui rend hommage en donnant son nom à l'unique lycée public de la commune de Ratoma, immortalisant ainsi sa contribution à l'éducation nationale.

Sa réputation dépasse les frontières du milieu éducatif, comme en témoignent les références fréquentes à sa personne dans les discours présidentiels. Il est considéré comme appartenant à une génération exceptionnelle d'intellectuels guinéens, aux côtés de personnalités comme Koumandian Keita, Mamadou Traoré Ray Autra, Djibril Tamsir Niane et Sow Moumini.

Vie personnelle et famille

Installé à Labé dans ses dernières années, Ibrahima Kaba Bah s'est investi dans la gestion de l'école privée de Télidjé, poursuivant ainsi son engagement pour l'éducation jusqu'à un âge avancé.

Marié à Diallo Aminatou, elle-même professeure à la retraite et figure éminente de l'université guinéenne, il a eu cinq enfants : Bah Thiernö Lamine, Bah Boubacar Kaba (fondateur du site d'informations Guineenews.org), Bah Moussadighou (décédé), Bah Misbahou, Bah Khalirou et Bah Marlyatou.

Un héritage durable

Le décès d'Ibrahima Kaba Bah le 24 octobre 2023 à Labé marque la fin d'une vie exceptionnelle, mais son influence perdure à travers les générations d'étudiants qu'il a formées, ses écrits et son exemple de courage face à l'adversité politique.

Figure de la résistance intellectuelle, enseignant dévoué, défenseur des droits syndicaux et gardien de la culture, Ibrahima Kaba Bah incarne les valeurs d'intégrité, de persévérance et d'engagement pour l'éducation qui continuent d'inspirer la Guinée contemporaine.

Sa vie traversée par les moments clés de l'histoire guinéenne – de l'indépendance aux années de répression sous Sékou Touré – fait de lui non seulement un témoin, mais un acteur essentiel de la construction nationale guinéenne. Son parcours remarquable rappelle l'importance cruciale des éducateurs dans le développement d'une nation et la préservation de ses valeurs fondamentales.