Thierno Aliou Bhoubha Ndian

Thierno Aliou Bhoubha Ndian
Prénom
Thierno Aliou
Nom
Bah
Date de naissance
Date de décès
Pays de naissance
Guinée

Thierno Aliou Bhoubha Ndian (1850-1927) fut l'une des figures les plus marquantes de l'histoire du Fouta-Djalon en Guinée. Théologien musulman, écrivain et homme politique peul, il se distingua par sa maîtrise exceptionnelle de l'arabe littéraire et des sciences islamiques, qu'il acquit auprès des plus grands érudits de son époque. Sa vie fut consacrée à l'enseignement et à la transmission du savoir, notamment à travers son école coranique réputée qui attirait des étudiants de toute la région. Il occupa également des fonctions importantes, servant d'interprète pour les chefs du Labé, de juge principal, et de chef du canton de Donghora pendant la période coloniale française.

Sa générosité était légendaire, redistribuant systématiquement les cadeaux qu'il recevait et ne comptant que sur ses propres ressources pour subvenir aux besoins de sa famille et de ses nombreux élèves. Son héritage perdure aujourd'hui à travers ses descendants qui continuent d'assumer des responsabilités religieuses importantes à la grande mosquée de Labé, et à travers son influence durable sur la vie spirituelle et intellectuelle du Fouta-Djalon.

A lire dans cet article

Introduction

Thierno Aliou Bhoubha Ndian, né vers 1850 à Donghol en Guinée et décédé le 23 mars 1927 à Labé, fut l'une des personnalités les plus influentes du Fouta-Djalon au tournant du XXe siècle. Théologien musulman érudit, écrivain prolifique et leader politique respecté, il a profondément marqué l'histoire de cette région de l'Afrique de l'Ouest. Son héritage continue d'influencer la vie spirituelle et intellectuelle de la Guinée contemporaine.

Enfance et Éducation

Issu d'une lignée prestigieuse de savants et d'imams, Thierno Aliou Bah, qui prendra plus tard le nom de Bhoubha Ndian, est né dans une famille profondément ancrée dans la tradition musulmane. Son histoire familiale remonte à Ali Kali Bah, qui avait temporairement adopté le nom de Doukouré après avoir été accueilli au Mali par un chef sarakollé du village de Diafouna, reconnaissant sa grande érudition islamique.

Son éducation commença auprès de son père, Thierno Mamadou, qui lui enseigna le Coran dès son plus jeune âge. Cette formation initiale fut suivie d'études secondaires et supérieures auprès de trois éminents érudits de l'époque : son oncle Thierno Abdoulaye Ndouyêdio, Thierno Boubacar Poti Séléyanké de Dimbin, et Thierno Abdourrahmane Kaldouyanké de Sombili, plus connu sous le nom de Thierno Doura. Cette formation approfondie lui permit d'acquérir une maîtrise exceptionnelle des sciences islamiques, incluant la théologie, la littérature et la grammaire arabe.

Sa maîtrise de l'arabe littéraire devint rapidement légendaire, lui permettant non seulement d'écrire de nombreux ouvrages dans cette langue, mais aussi de servir d'interprète officiel pour les chefs du Labé lors de leurs rencontres avec des dignitaires arabes. Cette compétence linguistique rare à l'époque contribua significativement à sa réputation grandissante dans toute la région.

Vie et Œuvre

Période à Bhoubha Ndian

La vie de Thierno Aliou prit un tournant décisif lorsque son oncle Thierno Abdoulaye Talibé lui donna sa fille en mariage et lui légua l'ensemble de ses biens. S'installant à 30 kilomètres de Labé, dans une localité qui lui donna son surnom de Bhoubha Ndian, il y passa 24 années fécondes. Durant cette période, il développa une école coranique réputée qui attirait des étudiants de tout le Fouta-Djalon, particulièrement les enfants des chefs et notables de la région.

Sa gestion des ressources démontrait une intégrité remarquable : il subvenait aux besoins de sa famille et de ses élèves uniquement grâce aux revenus de ses champs et de ses activités commerciales, redistribuant systématiquement les cadeaux qu'il recevait. Cette période fut marquée par un engagement profond dans l'enseignement et la transmission du savoir.

Période à Manda

Vers 1898, les responsabilités croissantes de Thierno Aliou auprès des autorités de Labé le conduisirent à s'installer à Manda, à 75 kilomètres de Labé. Cette nouvelle étape de sa vie fut marquée par son mariage avec la fille de Modi Mamadou Samba et sa nomination comme chef des Ourourbhé, regroupant les familles Bah et Baldé de plusieurs régions importantes.

Son leadership s'étendit également au domaine spirituel avec la construction d'une mosquée qui devint son lieu de retraite spirituelle. La période coloniale française le vit occuper le poste de juge principal de Labé, fonction qu'il transmit en 1914 à son fils aîné Thierno Siradiou.

Rôle politique et administratif

La réforme administrative de 1912 le propulsa au poste de chef du canton de Donghora. Bien qu'il acceptât cette charge avec réticence, sur l'insistance de ses proches qui craignaient pour sa sécurité dans le contexte de la répression coloniale, il l'assuma pendant quatre ans jusqu'en 1916.

Après avoir quitté ses fonctions administratives, il se consacra pleinement à ses activités culturelles et religieuses. Sa participation à la conférence des érudits africains à Dakar, organisée par le gouverneur général de l'AOF, témoigne de son rayonnement intellectuel qui dépassait largement les frontières de la Guinée.

Décès et Héritage

Thierno Aliou Bhoubha Ndian s'éteignit le 23 mars 1927 à l'âge de 80 ans. Il fut inhumé dans sa concession, près de la grande mosquée de Labé dont la direction fut ensuite assurée par ses descendants et proches, notamment son fils Thierno Abodurrahmane et ses petits-fils El Hadj Ibrahima Caba et El Hadj Mamadou Badrou.

Son héritage familial est considérable, avec dix-sept enfants recensés, parmi lesquels Thierno Siradiou, Karamoko Bano, Thierno Lamine, et plusieurs autres qui ont perpétué son œuvre spirituelle et intellectuelle. La mosquée qu'il a fondée reste un centre important d'enseignement et de spiritualité dans la région.

Conclusion

Thierno Aliou Bhoubha Ndian incarne l'archétype du sage africain qui a su conjuguer érudition religieuse, leadership communautaire et adaptation aux changements de son époque. Son parcours illustre la complexité des relations entre les autorités traditionnelles et l'administration coloniale, ainsi que le rôle crucial des érudits musulmans dans la préservation et la transmission du savoir en Afrique de l'Ouest.

Son influence perdure aujourd'hui à travers ses descendants qui continuent d'assumer des responsabilités religieuses importantes, et à travers l'héritage spirituel et intellectuel qu'il a laissé au Fouta-Djalon. Figure de synthèse entre tradition et modernité, Thierno Aliou Bhoubha Ndian reste une référence incontournable pour comprendre l'histoire religieuse et politique de la Guinée précoloniale et coloniale.