Thierno Abdourahmane Bah (1916-2013) fut l'une des figures intellectuelles et spirituelles les plus marquantes du Fouta-Djallon au XXe siècle. Érudit musulman, poète bilingue en arabe et en pular, et personnalité politique respectée, il a joué un rôle central dans la préservation et le développement de la culture peule en Guinée. Né dans une famille d'érudits musulmans, il reçut une éducation traditionnelle approfondie avant d'occuper des fonctions importantes, notamment comme Khalife général de la confrérie Tidjania pour l'Afrique Occidentale, Ministre des Affaires Religieuses de Guinée, et imam de plusieurs grandes mosquées.
Son œuvre littéraire considérable, qui comprend des poèmes, des textes religieux et des écrits sur la société contemporaine, témoigne de sa capacité unique à conjuguer tradition islamique, culture peule et modernité. Sa contribution à l'éducation, à la littérature et à la vie religieuse, ainsi que son engagement constant pour le développement de sa région, ont fait de lui une figure tutélaire dont l'influence continue de rayonner bien au-delà de sa disparition en 2013.
Introduction
Thierno Abdourahmane Bah (1916-2013) fut l'une des personnalités les plus marquantes du Fouta-Djallon au XXe siècle. Érudit musulman, poète talentueux et figure politique respectée, il a profondément marqué la vie culturelle, religieuse et sociale de la Guinée. Son œuvre littéraire bilingue en arabe et en pular, ainsi que son engagement constant pour l'éducation et le développement de sa région, en ont fait un pilier de la culture peule moderne.
Enfance et Éducation
Né vers 1916 à Donghol Thiernoya, dans la région de Labé en Guinée, Thierno Abdourahmane Bah grandit dans un environnement profondément imprégné de culture islamique et de traditions peules. Il était l'avant-dernier des neuf fils de Thierno Aliou Boûbha-Ndiyan, un érudit musulman reconnu que Paul Marty, observateur colonial, décrivait comme un "lettré arabe de toute première valeur". Sa mère, Nênan Maryama Fadi Diallo, lui transmit également un riche héritage culturel.
Les premières années de sa formation se déroulèrent dans l'école coranique de son père, où il baigna dans une atmosphère d'apprentissage intense. Les soirées étaient rythmées par la récitation du Coran et la poésie, créant un environnement propice à l'éveil intellectuel du jeune Abdourahmane. À l'âge de onze ans, il maîtrisait déjà la lecture et l'écriture du Coran, ainsi que plusieurs textes fondamentaux de l'Islam.
Après le décès de son père en 1927, il poursuivit ses études auprès de Thierno Oumar Pereedjo à Dara-Labé, de 1927 à 1935. Cette période fut déterminante dans sa formation, lui permettant d'approfondir ses connaissances en grammaire arabe, droit islamique, théologie et autres disciplines religieuses. C'est durant ces années qu'il commença à manifester ses premiers talents poétiques, composant aussi bien en arabe qu'en pular.
Œuvres littéraires
La production littéraire de Thierno Abdourahmane Bah se caractérise par sa richesse et sa diversité, embrassant à la fois la poésie et la prose, en arabe comme en pular. Ses écrits reflètent non seulement sa profonde érudition religieuse mais aussi son engagement social et son attachement à sa culture.
Production en langue arabe
Son œuvre en arabe comprend notamment le recueil "Banaatu Afkaarii" (Les Fruits de mes Pensées), imprimé au Koweït, qui rassemble des poèmes composés dès l'âge de treize ans. On y trouve des éloges de personnalités arabes comme Gamal Abdel Nasser et le roi Fahd d'Arabie Saoudite, ainsi que des textes plus personnels comme son remerciement à son maître Thierno Oumarou Pereejo.
Deux autres ouvrages majeurs en vers arabes, "Maqalida-As-Saadati" (Les Clefs du bonheur) et "Jilada Mada.Fii HizbiAl-Qahhar", démontrent sa maîtrise de la technique poétique du Takhmisu, où il développe des poèmes existants en strophes de cinq vers.
Production en langue pular
Son œuvre en pular, principalement poétique, témoigne de son engagement pour sa culture et sa société. Ses poèmes, initialement diffusés sous forme de feuilles volantes, traitent de thèmes variés allant de l'amour de la patrie aux questions sociales contemporaines.
Parmi ses œuvres majeures en pular figurent "Fuuta hettii bhuttu" (Hymne au Fouta), "Lagine Rindhii" (sur l'indépendance de la Guinée), et plusieurs poèmes didactiques sur le pays et les merveilles de son époque. Sa poésie se distingue par son innovation linguistique, n'hésitant pas à intégrer des termes français adaptés pour décrire les réalités modernes.
Vie Publique
La carrière publique de Thierno Abdourahmane Bah fut particulièrement riche et diversifiée. De 1945 jusqu'à sa retraite, il occupa de nombreuses fonctions administratives, politiques et religieuses.
Dans le domaine politique, il fut notamment maire-adjoint de Labé (1956-1959) et occupa plusieurs postes de commandant d'arrondissement entre 1963 et 1976. Son engagement culmina avec sa nomination comme Ministre des Affaires Religieuses de Guinée (1984-1987).
Sur le plan religieux, il fut élu en 1950 Khalife général de la confrérie Tidjania pour l'Afrique Occidentale et servit comme imam de plusieurs grandes mosquées, notamment celle de Labé et la mosquée Fayçal de Conakry. Il fut également vice-président de l'Académie Internationale de Droit Islamique.
Vie privée
Bien que les sources disponibles soient discrètes sur sa vie privée, on sait que Thierno Abdourahmane Bah menait une vie simple, fidèle aux préceptes islamiques qu'il enseignait. Il était connu pour sa sagesse et sa générosité, consacrant une grande partie de son temps à l'enseignement et au service de sa communauté.
Décès
Thierno Abdourahmane Bah s'est éteint le 22 septembre 2013 à Labé, à l'âge de 97 ans. Il fut inhumé le lendemain dans la concession familiale, près de la grande mosquée Karamoko Alpha Mo Labé, un lieu symbolique qui témoigne de l'importance de son héritage spirituel et culturel.
Conclusion
Thierno Abdourahmane Bah incarne parfaitement la synthèse entre tradition et modernité qui caractérise l'évolution de la société peule au XXe siècle. Son œuvre littéraire, son engagement politique et son leadership religieux ont profondément marqué le Fouta-Djallon et la Guinée toute entière. Sa capacité à conjuguer savoir traditionnel et ouverture aux réalités contemporaines, ainsi que son engagement constant pour l'éducation et le développement de sa région, en font une figure exemplaire dont l'héritage continue d'inspirer les nouvelles générations.