Camara Laye (1928-1980) était l'un des écrivains les plus influents de la littérature africaine francophone du XXe siècle. Né à Kouroussa en Guinée française dans une famille malinké traditionnelle, il a suivi un parcours remarquable qui l'a mené de l'école coranique aux études d'ingénieur en France. Après l'indépendance de la Guinée, il a occupé des postes diplomatiques et gouvernementaux importants avant d'être contraint à l'exil en raison de ses désaccords avec le régime de Sékou Touré.
Son œuvre majeure, "L'Enfant noir" (1953), qui lui a valu le Prix Charles Veillon, ainsi que ses autres romans comme "Le Regard du roi" (1954) et "Dramouss" (1966), témoignent de sa capacité unique à dépeindre la rencontre entre traditions africaines et modernité. En tant que chercheur à l'Institut fondamental d'Afrique noire à Dakar, où il s'est exilé jusqu'à sa mort en 1980, il a également contribué à la préservation des traditions orales ouest-africaines, notamment à travers son dernier ouvrage "Le Maître de la parole" (1978), consacré à l'épopée de Soundiata Keïta.
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Introduction
Camara Laye, de son vrai nom Abdoulaye Camara, fut l'un des premiers écrivains africains francophones à acquérir une renommée internationale. Né le 1er janvier 1928 à Kouroussa en Guinée française et mort le 4 février 1980 à Dakar au Sénégal, il a marqué la littérature africaine par ses œuvres autobiographiques et allégoriques qui dépeignent avec finesse les traditions africaines et les défis de la modernité.
Enfance et Éducation
Issu d'une famille malinké, Camara Laye grandit dans un environnement profondément ancré dans les traditions. Son père, Komady Camara, était forgeron et orfèvre, un métier transmis de génération en génération. Aîné d'une fratrie de douze enfants, le jeune Laye baigne dans une atmosphère familiale chaleureuse, entouré des apprentis de son père et de ses proches.
Son parcours éducatif illustre parfaitement la dualité entre tradition et modernité qui caractérisera plus tard son œuvre. Après une année d'école coranique, il fréquente l'école primaire française jusqu'à l'obtention de son certificat d'études. Un moment crucial de son éducation traditionnelle fut le rituel d'initiation de la circoncision, une expérience qu'il décrira plus tard avec émotion dans son œuvre L'Enfant noir.
À l'âge de quinze ans, il quitte Kouroussa pour Conakry où il est accueilli par son oncle. Il y poursuit des études techniques à l'école Georges-Poiret, obtenant un CAP de mécanicien. Ses excellents résultats lui permettent de décrocher une bourse d'études pour la France, où il étudie à l'École centrale d'ingénierie automobile d'Argenteuil.
Parcours professionnel
Après l'obtention de son diplôme d'ingénieur en 1956, Camara Laye retourne en Afrique, d'abord au Dahomey (actuel Bénin). Lorsque la Guinée accède à l'indépendance en 1958 sous la présidence d'Ahmed Sékou Touré, il devient le premier ambassadeur au Ghana. Il occupe ensuite plusieurs postes gouvernementaux avant d'être nommé directeur de l'Institut National de la Recherche et de la Documentation.
Les tensions croissantes avec le régime de Sékou Touré le conduisent à l'emprisonnement, puis à l'exil au milieu des années 1960. Il trouve refuge d'abord en Côte d'Ivoire, puis s'installe définitivement au Sénégal. À Dakar, il devient chercheur à l'Institut fondamental d'Afrique noire (IFAN), où il se consacre à la collecte et à l'étude des traditions orales ouest-africaines auprès des griots.
C'est pendant ses études en France que Camara Laye commence sa carrière d'écrivain. Son premier roman autobiographique, L'Enfant noir (1953), connaît un succès immédiat et reçoit le Prix Charles Veillon en 1954. Cette œuvre nostalgique sur son enfance en Guinée sera plus tard adaptée au cinéma par Laurent Chevallier.
Œuvres
Le parcours littéraire de Camara Laye s'articule autour de quatre œuvres majeures :
L'Enfant noir (1953) : Ce roman autobiographique dépeint avec nostalgie son enfance heureuse en Guinée, mêlant traditions familiales et rites initiatiques de la culture malinké.
Le Regard du roi (1954) : Cette œuvre allégorique suit le périple d'un Occidental en quête de sagesse africaine, inversant les rapports traditionnels entre colonisateurs et colonisés.
Dramouss (1966) : Publié après douze ans de silence, ce roman plus politique aborde les difficultés du retour au pays et critique à mots voilés le régime de Sékou Touré.
Le Maître de la parole (1978) : Son dernier ouvrage transcrit l'épopée de Soundiata Keïta, fruit de vingt années de recherches auprès des griots malinkés.
Mort
Camara Laye s'éteint le 4 février 1980 à Dakar, des suites d'une infection rénale. Sa mort en exil souligne le destin tragique de nombreux intellectuels africains de sa génération, contraints de fuir leur pays d'origine pour des raisons politiques.
Conclusion
Camara Laye demeure une figure emblématique de la littérature africaine francophone. Son œuvre, à la croisée des cultures traditionnelle et moderne, témoigne avec sensibilité des transformations de l'Afrique au XXe siècle. Ses écrits continuent d'influencer la littérature contemporaine, notamment par leur capacité à transcender les clivages culturels tout en préservant l'authenticité des traditions africaines. Bien que son œuvre ait fait l'objet de controverses concernant son authenticité, particulièrement pour Le Regard du roi, son impact sur la littérature africaine reste indéniable.