Dr Bana Sidibé

Dr Bana Sidibé
Prénom
Bana
Nom
Sidibé
Date de décès
Pays de naissance
Guinée

Dr Bana Sidibé était un éminent urbaniste guinéen, considéré par beaucoup comme le meilleur ministre des Travaux publics et de l'Urbanisme que la Guinée ait connu depuis son indépendance. Architecte de formation et docteur, il a d'abord été chef du département humanisme et de l'Habitat à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar avant d'être nommé ministre par le général Lansana Conté en 1986. Durant son mandat ministériel (1986-1992), il a profondément transformé Conakry en lui donnant les dimensions d'une ville moderne à travers de nombreuses réalisations: l'autoroute Le Prince, les dix transversales reliant les quartiers Nord et Sud, la reconstruction de l'autoroute Fidel Castro, et le lotissement des quartiers de la haute banlieue.

Reconnu pour son intégrité exemplaire, son professionnalisme et son incorruptibilité dans la gestion des fonds publics, Dr Sidibé est également l'architecte du Schéma National d'Aménagement du Territoire (SNAT) et a été surnommé "une bibliothèque sur pieds" pour son immense expertise. Il est décédé le 16 février 2025, laissant derrière lui un héritage urbanistique considérable et l'image d'un serviteur de l'État modèle qui n'a jamais profité de sa position pour s'enrichir personnellement.

A lire dans cet article

Introduction

Dr Bana Sidibé reste gravé dans la mémoire collective guinéenne comme l'un des plus grands serviteurs de l'État. Architecte de formation, urbaniste visionnaire et homme politique intègre, il a profondément marqué le paysage urbain de la Guinée, particulièrement celui de Conakry, capitale qu'il a transformée entre 1986 et 1992. Reconnu pour son intégrité morale et son expertise technique incontestable, Dr Sidibé incarne l'archétype du fonctionnaire dévoué à sa nation, plaçant toujours l'intérêt général au-dessus des considérations personnelles. Son parcours exceptionnel, tissé d'abnégation et de rigueur professionnelle, constitue un modèle pour les générations futures de cadres guinéens.

Enfance et Éducation

Natif de Kankan, dans la région de la Haute-Guinée, Dr Bana Sidibé a grandi dans un environnement où les valeurs traditionnelles de travail et d'honnêteté étaient primordiales. Son parcours académique brillant l'a conduit à poursuivre des études supérieures en architecture et en urbanisme. Sa soif de connaissance et son excellence académique lui ont permis d'obtenir un doctorat, faisant de lui l'un des cadres guinéens les plus qualifiés de sa génération.

Avant son retour en Guinée pour servir son pays natal, Dr Sidibé a enrichi son expertise à l'international. En 1985, il occupait le poste prestigieux de chef du département humanisme et de l'habitat à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal, témoignant de sa réputation d'excellence qui dépassait les frontières guinéennes.

Parcours professionnel

Le parcours professionnel de Dr Bana Sidibé est marqué par une expertise technique reconnue et une vision avant-gardiste de l'aménagement urbain. Son expérience académique à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar a constitué un tremplin vers des responsabilités nationales majeures. Urbaniste respecté dans toute la sous-région ouest-africaine, il a développé une approche participative et un esprit managérial qui ont fait de lui un professionnel admiré par ses pairs.

Sa plus grande contribution professionnelle reste sans doute la conception du Schéma National d'Aménagement du Territoire (SNAT) de la Guinée, un document cadre qui a guidé le développement territorial du pays. Cette réalisation lui a valu le surnom de "père fondateur du SNAT", témoignant de l'importance de cette œuvre dans l'histoire de l'aménagement territorial guinéen.

Dr Sidibé était également reconnu comme un excellent pédagogue, partageant généreusement son savoir avec les jeunes générations. Même après avoir quitté ses fonctions ministérielles, il a continué à transmettre son expertise, comme en témoigne sa visite à l'Institut Supérieur d'Architecture et d'Urbanisme (ISAU) de Conakry en novembre 2022, où il a été présenté comme "une bibliothèque sur pieds" par le Directeur Général de l'institution.

Parcours politique

Bien qu'essentiellement reconnu comme un technocrate apolitique, Dr Bana Sidibé a fait son entrée dans l'arène politique guinéenne en 1986, lorsque le général Lansana Conté, alors président de la République, l'a nommé Ministre de l'Urbanisme, de l'Habitat et des Travaux Publics. Cette nomination intervenait dans un contexte particulier, après la prise du pouvoir par l'armée suite au décès du président Sékou Touré en 1984.

Malgré l'environnement politique souvent tumultueux de la Guinée post-Sékou Touré, Dr Sidibé a réussi à maintenir une posture de technicien dévoué à sa mission, évitant les jeux politiciens. Cette intégrité et cette indépendance d'esprit lui ont valu l'estime du président Conté, qui l'aurait un jour présenté à sa mère en ces termes : "Mère. Tu vois cet homme ? Malgré sa petite tête, il est le plus instruit de tous mes Ministres."

Paradoxalement, c'est cette même posture apolitique qui aurait précipité son départ du gouvernement en 1992. À l'approche des premières élections démocratiques, les stratèges de la mouvance présidentielle auraient préféré voir un politique occuper ce poste financièrement stratégique, plutôt qu'un technocrate incorruptible.

Ministre

C'est en tant que Ministre de l'Urbanisme, de l'Habitat et des Travaux Publics que Dr Bana Sidibé a laissé son empreinte la plus visible sur le développement de la Guinée. Nommé à ce poste en 1986 par le général Lansana Conté, il a trouvé Conakry dans un état d'anarchie urbanistique avancée, conséquence d'un "libéralisme anarchique" qui s'était installé dans les premières années du régime militaire.

Face à cette situation, Dr Sidibé a mis en œuvre une vision ambitieuse et structurée pour transformer Conakry en une capitale moderne. Ses réalisations les plus marquantes incluent :

  1. La conception et la réalisation des dix transversales (T1 à T10) qui ont révolutionné la circulation dans la capitale guinéenne en reliant les quartiers Nord et Sud de la banlieue.
  2. L'ouverture et le bitumage de l'autoroute Le Prince, artère majeure de Conakry.
  3. La reconstruction de l'autoroute Fidel Castro.
  4. Le lotissement planifié des quartiers populeux de la haute banlieue.
  5. La réalisation de routes nationales et d'ouvrages de franchissement de grande envergure à travers tout le pays.
  6. L'initiation d'un programme de construction de logements sociaux dans différentes régions de Guinée.

Sa gestion des projets d'infrastructure se distinguait par plusieurs principes novateurs pour l'époque :

  1. Le dédommagement effectif et équitable des propriétaires impactés par les travaux, avant même le démarrage des chantiers.
  2. L'ouverture systématique de voies de contournement pour faciliter la mobilité pendant les travaux.
  3. Le recours à des sociétés internationales de contrôle de grande réputation, sélectionnées par appel d'offres transparent, garantissant ainsi la qualité des ouvrages.
  4. Une gestion rigoureuse et transparente des fonds publics, estimés à plus d'un milliard de dollars sur ses six années de mandat.

Ces principes lui ont valu le surnom populaire de "Monsieur casse-casse", en référence aux nombreux déguerpissements qu'il a dû ordonner pour mettre de l'ordre dans l'urbanisme anarchique. Toutefois, contrairement à d'autres, ces opérations étaient toujours accompagnées d'un traitement humain et d'indemnisations équitables pour les personnes déplacées.

Mort

Dr Bana Sidibé s'est éteint le dimanche 16 février 2025, laissant derrière lui un héritage urbanistique considérable. Sa disparition a provoqué une vague d'émotion et de reconnaissance à travers tout le pays, témoignant de l'impact profond qu'il a eu sur le développement de la Guinée et dans le cœur des Guinéens.

L'annonce de son décès a notamment été relayée par le ministre de l'Habitat en fonction, Mory Condé, qui a rendu hommage à l'homme sur sa page Facebook en ces termes : "Dr Sidibé, reconnu pour son intégrité et son dévouement, a marqué l'histoire de l'urbanisation de Conakry grâce à ses nombreuses réalisations. Son héritage perdurera à travers les routes modernes et les infrastructures qu'il a contribué à mettre en place."

Hommages

La disparition de Dr Bana Sidibé a suscité une vague d'hommages spontanés, tant de la part des autorités que des citoyens ordinaires qui ont bénéficié de ses réalisations. De nombreux témoignages convergent pour le décrire comme "le meilleur Ministre que la Guinée ait eu depuis son indépendance" ou encore "le bâtisseur de Conakry".

Paradoxalement, malgré l'ampleur de ses contributions au développement urbain de la Guinée, aucune rue ou infrastructure ne portait son nom de son vivant. Plusieurs mois avant son décès, des voix s'étaient pourtant élevées pour demander cette reconnaissance officielle. Ainsi, en mai 2023, un appel avait été lancé aux autorités : "Il a droit à notre reconnaissance et il mérite d'être présenté à la jeunesse et la postérité comme un modèle de cadre patriote dont l'exemple doit inspirer les dirigeants présents et futurs."

Les hommages posthumes mettent unanimement en avant quatre qualités cardinales qui ont défini son action publique : son expertise technique exceptionnelle, son patriotisme sans faille, son intégrité morale irréprochable et son dévouement au service public. Ces qualités, devenues rares dans la fonction publique guinéenne, font de lui un modèle pour les générations futures de cadres et dirigeants.

Comme l'exprimait avec émotion un de ses admirateurs : "Mon cœur saigne pour la disparition du bâtisseur de Conakry... Apolitique, Technicien hors pair, Incorruptible, Patriote... Mieux que tous tes prédécesseurs et successeurs, tu as servi ton pays sans jamais profiter de ta position pour te servir."

Vie privée

Dr Bana Sidibé incarnait la définition même de la sobriété et de la discrétion dans sa vie personnelle. Contrairement à de nombreux hauts fonctionnaires qui profitent de leurs positions pour s'enrichir, il est resté un modèle d'intégrité. Fait révélateur, à son départ du gouvernement en 1992, après six années à gérer des projets d'infrastructure valant plus d'un milliard de dollars, il n'avait pas encore achevé la construction de sa propre maison.

Sa probité exceptionnelle s'est manifestée lors de son départ du gouvernement : il a spontanément rendu son véhicule de service le jour même de la passation et libéré le bâtiment administratif qu'il occupait, préférant aller loger temporairement chez l'un de ses frères. Ce n'est que bien plus tard qu'il a pu finalement aménager dans sa propre maison, modeste en comparaison des palais que s'étaient construits certains de ses collègues ministres.

Cette intégrité, rare dans le paysage politique guinéen, lui a valu l'admiration du peuple mais aussi l'hostilité de certains collaborateurs moins scrupuleux, qui voyaient d'un mauvais œil son intransigeance en matière de gestion des deniers publics et de qualité des ouvrages.

Conclusion

Dr Bana Sidibé incarne l'archétype du serviteur de l'État guidé par l'excellence, l'intégrité et le patriotisme. Son héritage dépasse largement le cadre des infrastructures physiques qu'il a laissées ; il réside également dans l'exemple moral qu'il a donné à toute une génération de cadres guinéens. Dans un contexte où la corruption et l'enrichissement personnel sont souvent perçus comme des pratiques normalisées, son parcours démontre qu'il est possible de servir son pays avec abnégation et droiture.

Les routes qu'il a tracées, toujours fonctionnelles plusieurs décennies après leur construction, symbolisent la pérennité de son œuvre. Mais au-delà de ces réalisations matérielles, c'est peut-être dans l'inspiration qu'il continue de susciter que réside son plus grand legs. Comme l'a si bien résumé l'un de ses admirateurs : "L'architecte du Schéma National d'aménagement du territoire national n'est pas mort, il a juste changé de décor."

La Guinée gagnerait à honorer sa mémoire, non seulement en donnant son nom à l'une des infrastructures qu'il a conçues, mais surtout en s'inspirant de ses valeurs et de sa vision pour bâtir l'avenir du pays. Car comme le disait si justement le Directeur Général de l'ISAU, Dr Bana Sidibé était véritablement "une bibliothèque sur pieds", un trésor national dont l'héritage mérite d'être préservé et transmis aux générations futures.

Dans un pays en quête de modèles et de repères, l'exemple de Dr Bana Sidibé rappelle que le développement durable passe par la compétence, la rigueur et l'intégrité. Espérons que sa disparition physique soit l'occasion d'une redécouverte et d'une valorisation de son legs intellectuel, moral et urbanistique pour le bénéfice de toute la Guinée.