
Cheick Penor Traoré, de son vrai nom Sékou Traoré, est un musicien guinéen né en 1958 à Faranah, issu d'une famille de griots du côté maternel. Ingénieur agronome de formation avec une spécialisation acquise en Égypte, il a su concilier une carrière de fonctionnaire d'État - occupant actuellement le poste de Directeur général adjoint de l'Office de Gestion des Ensembles Artistiques Nationaux (OGEAN) - avec une passion musicale qui l'a conduit des orchestres fédéraux de sa jeunesse au Groupe Standard dirigé par Petit Condé à Conakry.
Sa discographie compte un 33 tours "Les messagers du Niger" (1980) et deux albums solo, "Kéléya" (1998) et "Londanya" (2008), dont les titres éponymes puisent leur inspiration dans le Sankaran profond. Père de quatre filles et défenseur passionné du patrimoine musical guinéen, il s'inquiète de la disparition des orchestres nationaux et œuvre pour la préservation des traditions musicales de son pays.
Introduction
Né en 1958 à Faranah, Cheick Penor Traoré est une figure incontournable du paysage musical guinéen qui a su allier avec brio carrière de fonctionnaire et passion artistique. Son parcours remarquable, ancré dans les traditions musicales de la Guinée, témoigne d'un engagement profond pour la préservation du patrimoine culturel de son pays.
Origines et formation
À l'état civil, il se nomme Sékou Traoré, fils de feu Moussa et de Maniamba Condé. Cheick Penor est issu d'une lignée de griots du côté maternel, sa mère étant "dyibamin Condé", ce qui explique son immersion précoce dans l'univers musical. Dès son plus jeune âge, il côtoie son oncle Blaky, membre de l'orchestre fédéral de Faranah, qui l'initie à l'art du chant.
Son parcours académique illustre un équilibre entre tradition et modernité. Après avoir effectué l'ensemble de ses études primaires et secondaires à Faranah, il poursuit un cursus universitaire à l'Institut supérieur Agronomique Valery Giscard Destin de sa ville natale. Sa formation se complète par une spécialisation en Égypte, lui permettant de revenir au pays en qualité d'Ingénieur Agronome, spécialiste en culture cotonnière. Plus tard, il perfectionne ses compétences professionnelles en Belgique, toujours dans le domaine agricole.
Carrière musicale aux racines profondes
C'est au début des années 1970 que Cheick Penor fait ses premiers pas dans la musique, d'abord au sein de petites formations scolaires comme le Benda Band et le City Band. En 1972-1973, il franchit une étape décisive en intégrant l'orchestre fédéral de Faranah en qualité de chanteur, un ensemble qui marquera profondément toute sa carrière artistique.
Son parcours musical connaît une évolution significative avec son affectation à Dubréka où il sert pendant près de six ans, pratiquant la musique de façon occasionnelle en raison du manque de musiciens compétents dans la région. Il observe avec inquiétude la désagrégation progressive des orchestres fédéraux, principalement due au manque d'instruments de musique.
C'est en 1990 que sa carrière prend un nouveau tournant lorsqu'il est affecté à Conakry. Il rejoint alors le Groupe Standard dirigé par Ansoumane "Petit Condé", qui deviendra son arrangeur et son manager jusqu'à son décès survenu le 15 juin 2020. Parallèlement, il collabore avec plusieurs groupes musicaux de la capitale en tant que "Ninja" (musicien freelance), enrichissant ainsi son expérience artistique.
Discographie marquante et des souvenirs inoubliables
La carrière discographique de Cheick Penor s'articule autour de trois œuvres majeures qui ont contribué à enrichir le patrimoine musical guinéen. En 1980, il réalise un 33 tours avec la prestigieuse maison de disques Syliphone, intitulé "Les messagers du Niger". Son premier album solo, "Kéléya", voit le jour en 1998, suivi dix ans plus tard par "Londanya" (2008). Ces titres éponymes, qu'il qualifie lui-même de "fétiches", puisent leur inspiration dans le Sankaran profond et ont durablement marqué la scène musicale guinéenne.
Parmi ses souvenirs les plus marquants, Cheick Penor évoque avec émotion un festival où il s'est produit avec l'orchestre fédéral de Faranah. Le morceau "Sakonkè" figurant dans leur répertoire a connu un tel succès qu'il a été bissé trois fois à la demande du public du Palais du Peuple, en présence du président Ahmed Sékou Touré. En revanche, son plus mauvais souvenir remonte à 2019, lorsqu'une grave maladie a nécessité son évacuation sanitaire à Dakar, grâce au soutien de Madame Mariame SOGUIPAH qu'il qualifie affectueusement de "maman des sans mamans".
Engagement institutionnel et vision pour l'avenir
Aujourd'hui, Cheick Penor Traoré occupe le poste de Directeur général adjoint de l'Office de Gestion des Ensembles Artistiques Nationaux (OGEAN), au sein du Ministère des Sports, de la Culture et du Patrimoine historique. Cette position lui permet de contribuer activement à la préservation et à la promotion de la culture guinéenne, bien que ses moyens d'action demeurent limités.
Père de quatre filles et homme de conviction, il porte un regard lucide sur l'état actuel de la musique en Guinée. Sa participation au festival MASSA en Côte d'Ivoire lui a fait prendre conscience de l'absence criante d'orchestres nationaux guinéens sur la scène internationale, alors même que la Guinée fut pionnière dans ce domaine en Afrique de l'Ouest. Il déplore la disparition des orchestres à l'intérieur du pays et plaide pour un renouveau musical par la dotation d'instruments aux préfectures et une meilleure préparation des événements culturels comme les quinzaines artistiques.
Projets et philosophie
Malgré les difficultés, Cheick Penor travaille actuellement sur un nouvel album comportant 12 titres, pour lequel il cherche activement un financement. Sa vision de la musique s'est affinée avec l'âge : "Avec l'âge, la musique, c'est la sagesse. Quand l'artiste tend vers la vieillesse, c'est en ce moment qu'il doit toujours penser à donner de bons produits pour la postérité", confie-t-il. En parallèle, il prévoit également de sortir un album collectif avec le Groupe Standard.
Pour subvenir à ses besoins, Cheick Penor compte sur son salaire de fonctionnaire, complété par ses droits d'auteur versés par le Bureau Guinéen du Droit d'Auteur (BGDA) et les revenus de ses prestations avec le Groupe Standard lors des soirées à Goundobaya et à la Paillote. Loin des considérations mercantiles, il affirme que "la pratique de la musique ne m'a apporté que du bonheur puisque à notre temps, l'argent n'avait pas sa place. Nous nous sommes investis pour le développement de la culture."
Héritage et influence
À travers son parcours exemplaire, Cheick Penor Traoré incarne la résilience et la richesse du patrimoine musical guinéen. Son attachement aux traditions musicales de son pays, sa vision lucide des défis actuels et son engagement constant en font une figure respectée de la scène culturelle nationale. Sa collaboration étroite avec Petit Condé, décédé prématurement, symbolise également la fragilité de cet héritage et l'urgence de sa préservation.
Musicien, ingénieur agronome, fonctionnaire et visionnaire, Cheick Penor Traoré continue de porter haut les couleurs de la musique traditionnelle guinéenne, tout en appelant à une prise de conscience collective sur l'importance de préserver les racines culturelles qui forgent l'identité nationale. Son message résonne comme un appel à l'action pour les générations futures, gardiennes d'un patrimoine musical exceptionnel dont il est l'un des derniers grands témoins.