Ibrahim Kourouma est un pharmacien et homme politique guinéen né le 15 décembre 1966 à Beyla. Après des études en Côte d'Ivoire et à l'Université de Conakry où il décroche un doctorat en pharmacie, il entame un parcours politique au sein du Rassemblement du Peuple Guinéen (RPG). Membre influent du parti, il est nommé ministre de l'Enseignement (2010-2017) puis de la Ville et de l'Aménagement du Territoire (2017-2021) sous la présidence d'Alpha Condé.
Son passage au gouvernement a été marqué par des réformes éducatives mais aussi par la démolition controversée de milliers de bâtiments. Arrêté en 2022 après la chute de Condé, il est poursuivi pour malversations présumées et croupit actuellement en prison dans l'attente de son procès.
Introduction
Ibrahim Kourouma, né le 15 décembre 1966 à Beyla dans l'extrême sud-est de la Guinée, est un homme politique et pharmacien guinéen qui a connu une ascension fulgurante avant de connaître une chute tout aussi spectaculaire. Parti très jeune en Côte d'Ivoire, il y suivra ses études avant de revenir au pays et d'embrasser une carrière politique sous la bannière du Rassemblement du Peuple Guinéen (RPG). Nommé ministre à plusieurs reprises, son passage au gouvernement a été marqué par des réformes dans l'éducation mais aussi par des controverses et des allégations de malversations qui ont finalement conduit à son arrestation.
Education
Originaire de Beyla, une préfecture de la Guinée forestière, Ibrahim Kourouma quitte très tôt son pays natal pour la Côte d'Ivoire. C'est dans ce pays voisin qu'il entame ses études, décrochant en 1985 son Brevet d'Études du Premier Cycle (BEPC) au Collège d'Orientation de Cocody à Abidjan. De retour en Guinée, il réussit la seconde partie du baccalauréat en sciences expérimentales au Lycée Imprimerie de Conakry en 1986-1987.
Fort de ce diplôme, les portes de l'Université Gamal Abdel Nasser de Conakry s'ouvrent à lui. Il s'inscrit à la Faculté de Médecine et de Pharmacie où il obtient en 1992 son Doctorat d'État en Pharmacie.
Parcours professionnel
Parallèlement à ses études universitaires, Ibrahim Kourouma s'implique très tôt dans la vie associative estudiantine. Dès l'avènement du multipartisme intégral décrété par le président Lansana Conté entre 1991 et 1993, le jeune diplômé, alors fondateur du mouvement estudiantin Union Nationale des Élèves et Étudiants Patriotes (UNEEP), est choisi comme représentant de cette organisation au Forum Démocratique National.
Cette première expérience politique lui permet de se faire connaître et de gravir les échelons au sein du Rassemblement du Peuple Guinéen (RPG), le parti d'opposition de l'époque. Il devient président du Groupe de Réflexion d'Action et d'Initiative (GRAIN-RPG) avant d'intégrer le Bureau Politique National et le Bureau National de la Jeunesse du RPG.
Sur le plan professionnel, Ibrahim Kourouma exerce en tant que pharmacien, étant propriétaire de la pharmacie Elohim située à Lambanyi, un quartier de la banlieue de Conakry. Il est également membre du Bureau Exécutif de l'Union Nationale des Pharmaciens de Guinée (UNAPHARM), chargé de la réglementation, de la législation et de la fiscalité.
Entre 2001 et 2003, il occupe le poste de délégué médical pour la société pharmaceutique française THETAPHARM en Guinée. À ce titre, il est chargé de la promotion des molécules de l'entreprise sur le territoire national et du suivi des relations avec les différents centres hospitaliers du pays.
Parcours politique
L'ascension politique d'Ibrahim Kourouma s'accélère après l'élection d'Alpha Condé à la présidence de la Guinée en 2010. Récompensé pour sa loyauté envers le RPG, désormais parti au pouvoir, il est nommé en décembre 2010 au poste de Ministre de l'Enseignement Pré-Universitaire et de l'Éducation Civique.
Ministre de l'Éducation (2010-2017)
À la tête de ce ministère stratégique, Ibrahim Kourouma se lance dans une vaste politique de réformes visant à redresser le système éducatif guinéen. Son action se concentre notamment sur la lutte contre la fraude aux examens et le trafic de faux diplômes, avec des sanctions systématiques à la clé.
Son département déménage dans un nouveau bâtiment jouxtant les services de la présidence, un signe de l'importance accordée à l'éducation par le nouveau régime. Kourouma remplace même à plusieurs reprises le porte-parole du gouvernement pour la lecture du communiqué du Conseil des ministres.
Ministre de la Ville et de l'Aménagement du Territoire (2017-2021)
Le 23 août 2017, Ibrahim Kourouma est nommé Ministre de la Ville et de l'Aménagement du Territoire, un poste qu'il occupera jusqu'à la chute du régime d'Alpha Condé le 5 septembre 2021.
Dans le cadre de ses nouvelles fonctions, il supervise d'importants projets d'aménagement urbain mais son ministère est également accusé d'avoir procédé à des destructions d'édifices privés, notamment dans le quartier de Kaporo Rails à Conakry.
Récupération de domaines de l'État
L'une des principales missions confiées à Ibrahim Kourouma en tant que Ministre de la Ville est la récupération des domaines de l'État occupés illégalement par des particuliers. Cette opération controversée, menée sous le sceau de l'urgence, entraîne la démolition de milliers de bâtiments dans la capitale guinéenne et ses environs.
Selon un rapport de Human Rights Watch, au moins 2500 édifices ont ainsi été rasés à Kaporo Rails, Kipé et Dimesse en février et mars 2019, officiellement parce qu'un décret avait classé cette zone en réserve foncière de l'État.
Ces démolitions massives soulèvent un tollé au sein de la population, de nombreuses familles se retrouvant du jour au lendemain sans toit. Des poursuites judiciaires sont même engagées contre Kourouma et son secrétaire général Mohamed Maama Camara, accusés de destructions illégales et d'abus d'autorité.
Arrestation
La chute d'Alpha Condé après le coup d'État de septembre 2021 marque le début des ennuis judiciaires pour son ancien ministre de la Ville. Ibrahim Kourouma est arrêté le 21 avril 2022 et écroué à la maison centrale de Conakry.
Il est poursuivi pour des faits présumés de détournement et complicité de détournement de deniers publics, enrichissement illicite, corruption et blanchiment. Une affaire que son avocat, Me Soufiane Kouyaté, qualifie de "purement politique" visant à "museler" les anciens ministres d'Alpha Condé.
Malgré quatre décisions de remise en liberté obtenues par sa défense, Kourouma reste derrière les barreaux. Le Parquet Spécial de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) s'oppose farouchement à sa libération, multipliant les appels pour faire traîner la procédure.
Vie privée
Peu d'éléments filtrent sur la vie privée d'Ibrahim Kourouma. On sait qu'il est originaire de Beyla dans la région forestière de la Guinée et qu'il a étudié une partie de sa jeunesse en Côte d'Ivoire avant de revenir terminer ses études supérieures dans son pays natal.
Marié et père de famille, l'ancien ministre cultive depuis toujours une image de discrétion, privilégiant de rester dans l'ombre et de se concentrer sur ses fonctions plutôt que de s'épancher sur sa sphère personnelle.
Élevé dans la tradition musulmane comme la majorité des Guinéens, Ibrahim Kourouma est un homme qui attache une grande importance aux valeurs familiales et à l'éducation, thématiques qui ont d'ailleurs été au cœur de son action lorsqu'il était à la tête du Ministère de l'Enseignement.
Au-delà de la politique, on sait qu'il est un grand amateur de sport, en particulier de football. Dans sa jeunesse estudiantine, il a d'ailleurs cofondé le Cercle Universitaire de Conakry pour la Promotion des Sports et de la Culture.
Conclusion
L'histoire d'Ibrahim Kourouma illustre à merveille l'adage selon lequel les grandeurs peuvent être suivies de disgrâces. Parti de peu avec des études en partie effectuées à l'étranger, ce fils de la Guinée forestière est parvenu à gravir les échelons jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir.
Membre éminent du RPG, le parti d'Alpha Condé, il a été récompensé par des postes ministériels stratégiques dès l'arrivée de ce dernier à la présidence en 2010. D'abord en charge de l'Éducation où il a tenté d'impulser des réformes, puis de la Ville et de l'Aménagement du Territoire, un portefeuille sur lequel il a essuyé de vives critiques pour sa gestion musclée.
Les opérations de récupération de domaines de l'État menées sous sa houlette ont conduit à des milliers d'expulsions forcées et de démolitions qui ont largement terni son bilan. Dès la chute d'Alpha Condé en 2021, Ibrahim Kourouma était d'ailleurs dans le viseur de la nouvelle junte.
Arrêté et poursuivi pour diverses malversations présumées, il croupit désormais en prison dans l'attente d'un procès dont l'issue reste incertaine. De brillant membre de l'élite gouvernementale, il est ainsi passé en quelques années au rang d'accusé, dans une des ces déchéances fulgurantes qui émaillent l'Histoire.
Entre ombres et lumières, l'ascension et la chute d'Ibrahim Kourouma résument à elles seules les aléas de la vie politique, où les grandeurs peuvent être suivies de disgrâces tout aussi soudaines. Un destin pour le moins controversé, à l'image du règne d'Alpha Condé lui-même.