
Odia Fanta Bérété, également connue sous les noms de Wodia Fanta ou Odylle Fanta, est une actrice-comédienne guinéenne emblématique qui a marqué de son empreinte l’histoire du théâtre de son pays. Née en 1970 à Kankan, elle rejoint très jeune Conakry où elle découvre sa passion pour le théâtre en s’inspirant des productions télévisées de la troupe Benso-Sodia. Autodidacte et déterminée, elle intègre cette troupe à l’âge de 17 ans et y évolue pendant plus de 37 ans, incarnant des rôles marquants dans des œuvres telles que Bangaly Bengazi, N'na ta ou Fadala. Son talent naturel, sa polyvalence et sa présence scénique en ont fait l'une des figures les plus respectées du paysage théâtral guinéen.
Au-delà de sa carrière artistique, Odia Fanta Bérété est aussi une femme engagée, consciente des difficultés que traverse le théâtre guinéen contemporain. Face à la précarité du secteur et au manque de soutien institutionnel, elle a su se réinventer en collaborant avec un producteur français pour diffuser ses œuvres sur YouTube, tout en percevant des droits d’auteur et en se lançant dans le commerce. À travers ses prises de position, elle appelle les autorités à mieux soutenir les artistes guinéens et plaide pour la préservation des valeurs culturelles locales face à l’influence étrangère. Son parcours est un symbole de résilience, d'engagement et d’amour pour l’art dramatique guinéen.
Introduction
Odia Fanta Bérété, également connue sous les noms de Wodia Fanta ou Odylle Fanta, est une actrice-comédienne guinéenne qui a marqué l'histoire du théâtre de son pays. Figure incontournable de la troupe Benso-Sodia pendant plus de trois décennies, son parcours illustre la passion et la persévérance d'une artiste autodidacte ayant contribué significativement à la scène culturelle guinéenne.
Des origines modestes à la découverte d'une passion
Née en 1970 à Kankan, dans l'est de la Guinée, Fanta Bérété est la fille de feu Sékou et de feue Wodia Kaba. Son parcours est d'autant plus remarquable qu'elle n'a jamais fréquenté l'école. Très jeune, elle quitte sa ville natale pour rejoindre Conakry, la capitale, où elle est accueillie par sa grande sœur, Hadja Doussou Kaba.
Initialement orientée vers l'apprentissage de la couture, métier qui ne correspondait pas à ses aspirations, la jeune Fanta découvre rapidement sa véritable vocation : le théâtre. À l'âge de 17 ans seulement, fascinée par les productions de la troupe Benso-Sodia diffusées à la télévision nationale, notamment le film "Franyira", elle décide de se lancer dans cette aventure artistique.
Débuts difficiles mais prometteurs
L'intégration de Fanta dans le monde du théâtre ne s'est pas faite sans obstacles. Sa famille s'oppose fermement à ce choix, considéré comme peu conventionnel pour une jeune femme de son âge. Cette résistance familiale se manifeste par une rupture temporaire de communication avec son grand frère, qui mettra deux mois à accepter cette orientation professionnelle.
Au sein même de la troupe Benso-Sodia, son jeune âge constitue initialement un frein. Lors de son audition, bien qu'elle ait brillamment interprété le rôle de "N'na Doussouba" (une femme hypocrite entre deux coépouses), ses capacités expressives et sa présence scénique sont remarquées, mais le personnage est jugé trop mature pour elle. Néanmoins, impressionnés par son talent naturel, les responsables de la troupe décident de l'intégrer.
Carrière riche et diversifiée
Durant ses 37 années au sein de Benso-Sodia (1987-2024), Odia Fanta Bérété s'est illustrée dans de nombreuses productions qui ont marqué le paysage culturel guinéen. Parmi ses interprétations les plus mémorables figurent "N'na Kanin ni Wanka", "Bily ni Bébé", "Bangaly Bengazi", "N'na ta", "Abou nin Minata" et "Fadala".
Sa polyvalence lui a permis d'incarner divers personnages, qu'ils soient méchants, gentils ou dramatiques. Cette versatilité, combinée à une expressivité naturelle, l'a souvent propulsée au rang d'actrice principale dans plusieurs productions, notamment dans "Bangaly Bengazi", "N'na ta" et "Fadala".
Vie personnelle et épreuves
La vie personnelle d'Odia Fanta Bérété a été marquée par des moments de bonheur mais aussi de profondes douleurs. Elle a été mariée à un collègue acteur-comédien de la troupe Benso-Sodia, feu Bengazi, avec qui elle a eu un fils unique. Tragiquement, ce dernier est décédé apres 15 ans de leur mariage, ajoutant une dimension particulièrement émouvante à son parcours. Remariée depuis, elle vit actuellement au quartier Lansanaya Barrage à Conakry.
Défis du théâtre guinéen contemporain
À travers son témoignage, Odia Fanta Bérété met en lumière les difficultés auxquelles sont confrontés les artistes guinéens, et particulièrement ceux de la troupe Benso-Sodia. L'absence de moyens matériels et financiers, le manque d'espace pour les répétitions, l'absence de caméras et de moyens de transport constituent des obstacles majeurs à la production théâtrale.
Elle déplore notamment la fin du soutien autrefois apporté par la Radiotélévision Guinéenne (RTG), qui mettait à disposition des troupes le matériel de tournage, les techniciens et les moyens logistiques nécessaires. Sans ce soutien institutionnel, la troupe Benso-Sodia, comme d'autres formations historiques, a progressivement disparu des écrans.
Sources de revenus et adaptation
Face à ces défis, Odia Fanta Bérété a dû diversifier ses sources de revenus. Ne percevant plus de rémunération de la troupe Benso-Sodia, désormais inactive, elle collabore aujourd'hui avec un producteur français nommé Alexandre, qui diffuse ses productions sur YouTube. Ce contrat lui permet de toucher 50% des revenus générés par chaque prestation.
Elle bénéficie également des droits d'auteur versés par le Bureau Guinéen des Droits d'Auteurs (BGDA), tant pour ses propres œuvres que pour celles de son défunt mari. Parallèlement, elle s'investit dans le commerce et reçoit le soutien de son actuel époux.
Regard critique sur l'évolution du théâtre guinéen
Forte de son expérience, Odia Fanta Bérété porte un regard critique sur l'évolution du théâtre guinéen. Elle regrette notamment la prolifération de troupes sans agrément officiel, produisant des contenus sans véritable censure préalable. Elle déplore également une tendance à l'imitation de cultures étrangères, au détriment des valeurs traditionnelles guinéennes.
Pour la nouvelle génération d'artistes, elle recommande vivement de s'inspirer des anciennes productions et de consulter les artistes expérimentés. Elle rappelle avec nostalgie l'époque où sa troupe était entourée de grands griots comme Amadou Sodia, feu Freddy Taxi t'adore, feu N'Koro Mamoudou et feue N'nakanin, qui transmettaient leur connaissance approfondie des mœurs et coutumes guinéennes.
Appel aux autorités
Odia Fanta Bérété lance un appel poignant aux autorités guinéennes, particulièrement au ministère de la Culture, pour qu'elles accordent davantage d'attention et de soutien aux artistes locaux. Elle rappelle la contribution significative des troupes théâtrales à la culture nationale et déplore que de nombreux artistes décèdent dans l'anonymat, malgré leurs œuvres importantes.
"Nous avons travaillé pour ce pays, et nous pouvons encore le faire, si tous les moyens sont réunis", affirme-t-elle avec conviction. Son message est clair : les artistes méritent d'être reconnus et soutenus de leur vivant, et non simplement honorés après leur décès.
En définitive, le parcours d'Odia Fanta Bérété témoigne à la fois d'une passion inébranlable pour l'art théâtral et d'une résilience remarquable face aux défis rencontrés tout au long de sa carrière. Son histoire incarne la richesse culturelle de la Guinée et rappelle l'importance de préserver et valoriser ce patrimoine artistique.