
Mory Djély Deen Kouyaté (1968-2024), surnommé le "Bélébéléba" (le colosse) ou le "ténor mandingue", était une figure emblématique de la musique guinéenne issu d'une prestigieuse lignée de griots. Originaire de Siguiri, il a commencé sa carrière musicale dès l'âge de 15 ans et s'est imposé comme un virtuose capable de transcender les genres musicaux, naviguant avec aisance entre la musique mandingue traditionnelle, l'afro-pop, l'afro-blues et l'afro-jazz.
Auteur de sept albums acclamés, il a collaboré avec des artistes renommés comme Jean-Philippe Rykiel et Tiken Jah Fakoly, tout en servant d'ambassadeur culturel pour la tradition orale ouest-africaine, notamment l'épopée de Soundiata Keita. Après une longue lutte contre la maladie qui a duré neuf ans, il s'est éteint à Paris le 22 juin 2024 à l'âge de 56 ans, laissant derrière lui un héritage musical inestimable et le souvenir d'un homme aux qualités humaines exceptionnelles, décrit par ses proches comme un homme de conviction aux valeurs profondes de foi, d'amour et de partage.
Introduction
Né en 1968 à Siguiri en Guinée, Mory Djély Deen Kouyaté, surnommé le "Bélébéléba" (le colosse en malinké) ou encore le "ténor mandingue", s'est imposé comme l'une des voix les plus puissantes et influentes de la musique mandingue. Issu d'une prestigieuse lignée de griots, il a su incarner l'âme de la tradition musicale guinéenne tout en la propulsant vers la modernité. Malheureusement, après une longue lutte contre la maladie qui l'affectait depuis 2016, l'artiste s'est éteint à Paris le 22 juin 2024, à l'âge de 56 ans, laissant derrière lui un héritage musical inestimable.
Enfance difficile et des débuts précoces
Malgré une enfance marquée par des difficultés familiales - élevé par sa marâtre et fils d'un intellectuel ayant peu investi dans son parcours scolaire - Mory Djély a trouvé sa voie dans la musique dès son plus jeune âge. C'est à 15 ans, à Kankan, qu'il commence sa carrière musicale, révélant rapidement un talent exceptionnel qui allait marquer plusieurs générations.
Artiste aux multiples facettes
La trajectoire artistique de Mory Djély Deen Kouyaté impressionne par sa richesse et sa diversité. Véritable virtuose, il a su naviguer avec aisance entre différents genres musicaux : musique mandingue traditionnelle, afro-pop, folk-pop, afro-blues, afro-cubain et afro-jazz. Cette polyvalence remarquable lui a permis de se démarquer sur la scène internationale et de collaborer avec des artistes de renom comme Jean-Philippe Rykiel et Tiken Jah Fakoly.
Son parcours musical a été couronné par sept albums qui ont tous reçu de nombreuses distinctions nationales et internationales. Mory Djély était particulièrement fier de son dernier projet, qu'il considérait comme "le projet de sa vie", un album qu'il avait réalisé avec passion avant sa maladie et que sa fille Djènedine Kouyaté a promis de finaliser et de publier.
Ambassadeur culturel engagé
Plus qu'un simple musicien, Mory Djély Deen Kouyaté incarnait l'essence même du griot moderne. Gardien des traditions mandingues, il a consacré sa vie à la préservation et à la transmission de l'héritage culturel ouest-africain, particulièrement de l'épopée de Soundiata Keita. Sa voix puissante et ses compositions ont contribué à faire rayonner la culture musicale guinéenne bien au-delà des frontières africaines.
Dans une interview accordée en 2014, l'artiste exprimait son inquiétude quant à la situation des artistes guinéens : "Les autorités guinéennes n'ont pas pitié des artistes, la culture guinéenne est mal gérée." Il plaidait alors pour une meilleure reconnaissance et un soutien accru au secteur culturel guinéen, rappelant l'importance historique des artistes dans le développement du pays : "Pour rappel, les artistes étaient la première force de ce pays lors de la 1ère république. Avec le premier régime et Feu Fodeba Keita, le premier budget guinéen a été donné par les artistes."
Homme aux valeurs profondes
Au-delà de son talent artistique, Mory Djély était reconnu pour ses qualités humaines exceptionnelles. Comme l'a témoigné l'ancien Premier ministre Lansana Kouyaté : "Mory Djely Deen Kouyaté, ce n'est pas seulement parce qu'il nous égayait avec sa mélodie, c'est parce que c'était un homme affable qui cherchait à connaître et à comprendre."
Sa fille Djènedine le décrit comme "un homme de conviction et de parole", qui lui a inculqué des valeurs fondamentales telles que "la foi, l'amour, le respect, la patience, le pardon et l'effort dans le travail". Elle souligne également son grand cœur et son sens du partage, comme en témoignent ses nombreuses actions humanitaires.
Lutte contre la maladie et un départ honoré
Mory Djély Deen Kouyaté a lutté courageusement contre la maladie pendant neuf ans. Comme l'a rappelé sa fille lors de l'hommage national : "Durant 9 ans, tu nous as rassurés que tout ira bien, tu t'es battu comme un vrai guerrier."
Son décès a suscité une vague d'émotion dans tout le pays. Sa dépouille, rapatriée de Paris le 29 juin 2024, a été accueillie avec les honneurs à Conakry. Un symposium national a été organisé le 30 juin au Palais du Peuple, en présence de nombreux membres du gouvernement, d'artistes et de personnalités politiques, avant son inhumation au cimetière de Cameroun, après la prière mortuaire à la mosquée Fayçal.
Le Premier ministre guinéen, Amadou Oury Bah, a rendu un vibrant hommage à l'artiste : "Son œuvre musicale et spirituelle a non seulement enrichi notre culture, mais a également touché les cœurs de nombreux Guinéens et au-delà. Son héritage continuera d'inspirer et d'élever les générations futures."
Héritage qui perdure
Aujourd'hui, bien que Mory Djély Deen Kouyaté ne soit plus physiquement présent, son influence continue de résonner dans le monde musical africain. Comme l'a si bien dit le ministre de la Culture, du Tourisme et de l'Artisanat, Moussa Moise Sylla, lors de la cérémonie d'hommage : "Ce n'est pas la mort que nous célébrons, mais la vie. Oui, la vie d'un artiste qui a su marier tradition et modernité, portant haut les valeurs de la musique guinéenne."
Sa fille Djènedine a promis de veiller à la pérennisation de l'œuvre de son père : "Nous, ses enfants, sous la clairvoyance de notre frère aîné Sékou Deen Kouyaté, veillerons à la pérennisation de cette œuvre et de toutes les nombreuses créations qu'il laisse à la nation guinéenne et à l'humanité toute entière."
Le "Mike Tyson de la musique guinéenne", comme certains l'appelaient, laisse derrière lui un riche patrimoine musical qui continuera d'inspirer les générations futures et de porter la voix de la culture mandingue à travers le monde. Son nom restera à jamais gravé dans l'histoire musicale de la Guinée et de l'Afrique tout entière.