Salifou Camara (Super V)

Salifou Camara (Super V)
Prénom
Salifou
Nom
Camara
Surnom
Super V
Date de naissance
Date de décès
Pays de naissance
Guinée

Salifou Camara, connu sous le nom de "Super V", était un homme d'affaires guinéen influent et un administrateur du football qui a considérablement façonné le paysage footballistique de la Guinée. Né à la fin des années 1950 à Conakry, il a bâti sa fortune dans le commerce des pierres précieuses et l'immobilier avant d'acquérir le supermarché SOCOMER (qui lui a donné son surnom) et plusieurs stations-service. Sa carrière dans le football a débuté en 1994 en tant que vice-président de la Fédération Guinéenne de Football (FEGUIFOOT), avant d'en devenir président à deux reprises (2000-2001 et 2011-2017).

Son leadership a été marqué par le développement d'infrastructures, des connexions politiques – notamment son amitié avec l'ancien président Alpha Condé – et une rivalité acharnée avec Antonio Souaré. Malgré les controverses, incluant emprisonnement et exil, il est resté profondément engagé dans le football guinéen jusqu'à son décès suite à un AVC à Paris le 15 juillet 2024, laissant derrière lui un héritage complexe en tant que leader visionnaire et figure controversée de l'histoire sportive guinéenne.

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Introduction

Figure emblématique du football guinéen, Salifou Camara, plus connu sous le nom de "Super V", a marqué de son empreinte l'histoire du sport roi en Guinée. Homme d'affaires prospère et dirigeant sportif influent, il a consacré une grande partie de sa vie au développement du football dans son pays. Son parcours, fait de succès, de controverses et de combats acharnés, témoigne d'une personnalité complexe et passionnée qui a su tisser des liens solides tant dans le milieu sportif que politique. Décédé le 15 juillet 2024 à Paris, il laisse derrière lui un héritage considérable pour le football guinéen.

Jeunesse et débuts dans les affaires

Né à Conakry à la fin des années 1950, Salifou Camara grandit dans un contexte de Guinée post-indépendance. Brillant élève jusqu'en 13ème année (équivalent de la terminale), il décide d'abandonner ses études pour se lancer dans le monde des affaires, particulièrement dans le commerce des pierres précieuses et l'immobilier. Son sens des affaires et sa vision entrepreneuriale lui permettent rapidement de se démarquer dans un pays où l'économie était encore largement contrôlée par l'État sous le régime du PDG (Parti Démocratique de Guinée).

Dans les années 1970-1980, le jeune Salifou se fait déjà remarquer à Fria, ville industrielle guinéenne, où il fréquente la piscine locale avec ses cousins Paul Camille et Jean Bangoura. Toujours élégant et généreux, celui qu'on appelle déjà amicalement "mon ami" impressionne par son allure opulente et sa disponibilité financière, prenant souvent en charge les activités de loisirs de ses camarades.

Ascension d'un homme d'affaires

Après le changement de régime du 3 avril 1984 qui marque la fin de la Première République guinéenne, Salifou Camara saisit l'opportunité offerte par la nouvelle politique économique libérale. Il devient l'un des premiers entrepreneurs guinéens à bénéficier de cette ouverture, obtenant d'importants marchés publics de fournitures et de prestations pour l'administration.

Sa réussite entrepreneuriale s'illustre notamment par l'acquisition du supermarché SOCOMER, qu'il rebaptise "Super V" (origine de son surnom), ainsi que plusieurs stations-service publiques. Ces investissements stratégiques font de lui un homme d'affaires influent et financièrement solide dans la Guinée des années 1990.

Entrée dans le monde du football

Sa passion pour le football, perceptible dès sa jeunesse lorsqu'il fréquentait régulièrement le stade du 28 septembre à Conakry, le conduit naturellement vers les instances dirigeantes de ce sport. En 1994, son statut d'homme d'affaires respecté et ses moyens financiers importants lui ouvrent les portes de la Fédération Guinéenne de Football (FEGUIFOOT), où il est nommé vice-président.

En 2000, lorsque le Dr Baba Sacko, alors président de la FEGUIFOOT, est nommé ambassadeur à Alger, Salifou Camara "Super V" accède à la présidence par intérim. Ce premier mandat, bien que bref, lui permet de lancer des projets significatifs, notamment l'acquisition d'un terrain à Teminètaye et le début des négociations avec la FIFA pour le financement du futur siège de la fédération.

Première épreuve et relation avec Alpha Condé

Son mandat est brutalement interrompu en 2001 lorsque le ministre des Sports de l'époque, Kader Sangaré, dissout le Comité Exécutif de la FEGUIFOOT suite à de mauvais résultats sportifs. Cette dissolution, contraire aux règlements de la FIFA, entraîne la suspension de la Guinée des compétitions internationales et la disqualification de l'équipe cadette de la finale de la CAN 2001.

Cette crise déclenche une guerre ouverte entre Salifou Camara et le ministre Sangaré. Parallèlement, l'État guinéen, cherchant à sanctionner celui qu'il considère comme responsable des sanctions internationales, lance des investigations sur les marchés publics obtenus par ses sociétés. Le Comité National de Lutte contre la Corruption (CNLCS) l'accuse d'irrégularités dans un marché de fourniture de timbres fiscaux, ce qui conduit à son arrestation et son incarcération à la maison centrale de Coronthie.

C'est en prison qu'il fait la connaissance d'Alpha Condé, leader du RPG arrêté après la présidentielle de 1998. Cette rencontre forge entre les deux hommes une amitié solide qui jouera un rôle déterminant dans la suite de leurs carrières respectives. Durant sa détention, Salifou Camara fait preuve d'une détermination sans faille pour combattre les accusations portées contre lui, et parvient finalement à obtenir gain de cause dans une procédure judiciaire longue et complexe.

Retour aux affaires et influence politique

Après cette épreuve, Salifou Camara adopte temporairement un profil bas, conscient de sa vulnérabilité. Il revient cependant sur le devant de la scène grâce à sa proximité avec Mamadou Sylla, homme d'affaires devenu le nouveau favori du président Lansana Conté. Nommé vice-président du Conseil National du Patronat (CNP-Guinée), Salifou Camara devient l'éminence grise de Sylla, exerçant une influence discrète mais réelle sur l'attribution des marchés publics et même sur la composition des gouvernements entre 2002 et 2008.

Cette période témoigne de son habileté politique et de sa capacité à s'adapter aux changements de régime. Avec Fernand Bangoura et Fodé Moussa Sylla, il crée l'UDIBAG (Union pour le Développement Intégré de la Basse Guinée), consolidant son influence économique et politique à travers tout le pays.

Son lien privilégié avec Alpha Condé se révèle également décisif avant l'élection présidentielle de 2010. Salifou Camara joue un rôle d'intermédiaire entre le candidat du RPG et le général Sékouba Konaté, alors président de la transition, facilitant les contacts nécessaires à la campagne d'Alpha Condé.

Retour triomphal à la FEGUIFOOT

L'élection d'Alpha Condé à la présidence de la République en 2010 change la donne pour Salifou Camara. Désireux de réparer ce qu'il considère comme une injustice, le nouveau président soutient le retour de son ami à la tête de la Fédération Guinéenne de Football. Le 18 août 2011, "Super V" est élu président de la FEGUIFOOT avec 78 voix sur 118, dix ans après son départ forcé.

Cette seconde présidence, qui bénéficie du soutien de l'État, lui permet de concrétiser plusieurs projets d'envergure : le siège de la FEGUIFOOT, le centre technique de Nongo et l'unité d'hébergement des équipes nationales. Sous sa direction, la Guinée gagne également en visibilité et en représentativité sur la scène internationale du football.

Relation complexe avec Antonio Souaré

L'histoire de Salifou Camara "Super V" ne peut être racontée sans évoquer sa relation tumultueuse avec Antonio Souaré, homme d'affaires et président du Horoya AC. Cette relation, d'abord cordiale voire amicale, se transforme progressivement en rivalité acharnée.

La rencontre décisive entre les deux hommes a lieu en janvier 2012, lors de la CAN co-organisée par le Gabon et la Guinée Équatoriale. Antonio Souaré, déjà figure importante du sport guinéen, prend ensuite la présidence du Horoya AC en mars 2012, sur recommandation de Laye Oumar Koulibaly, ami commun et membre du comité exécutif de la FEGUIFOOT.

Malgré des tensions initiales, notamment lors d'une tentative infructueuse de remplacer Salifou Camara par son vice-président Djibril Diarra Becken en 2013, une réconciliation est organisée à Casablanca en novembre de la même année. Cette rencontre, facilitée par Almamy Kabèlè Camara, vice-président guinéen de la CAF, marque le début d'une période de collaboration étroite entre les deux dirigeants.

Salifou Camara développe alors une admiration presque révérencieuse pour Antonio Souaré, qu'il appelle désormais "mon frère". Il lui facilite l'accès aux plus hautes instances du football international, comme lors de la finale de la Coupe du Monde 2014 au Brésil, où il obtient des places dans la loge présidentielle du Maracana. Il présente également Antonio Souaré au président de la FIFA de l'époque, Joseph Sepp Blatter.

Cette collaboration s'étend au domaine politique lorsque, en mars 2015, Salifou Camara facilite une rencontre entre Antonio Souaré et le président Alpha Condé lors d'un vol Air France. Cette entrevue renforce la position d'Antonio Souaré auprès du pouvoir.

La rupture et la guerre ouverte

Cependant, des tensions au sein du comité exécutif de la FEGUIFOOT, notamment avec le vice-président Amadou Diaby, finissent par détériorer cette entente. En mars 2016, une fronde de 11 membres du comité exécutif éclate contre Salifou Camara, qui refuse toute médiation malgré les conseils de ses proches.

La crise aboutit à l'installation d'un comité de normalisation par la CAF et la FIFA, présidé par Mohamed Lamine Nabé. C'est à ce moment que Salifou Camara commence à soupçonner Antonio Souaré de soutenir l'insurrection contre lui.

Le 28 février 2017, Antonio Souaré est élu à la présidence de la FEGUIFOOT, marquant le début d'une guerre ouverte entre les deux hommes. Salifou Camara multiplie alors les accusations contre son successeur, allant jusqu'à saisir la commission d'éthique de la FIFA pour violation présumée du code d'éthique.

En réaction, une plainte d'Antonio Souaré concernant un audit faisant état de la sortie de 800 000 euros pour financer la candidature guinéenne à l'organisation de la CAN 2019 et 2021 conduit à des poursuites judiciaires contre plusieurs proches de Salifou Camara, l'obligeant lui-même à s'exiler pendant plusieurs mois.

Dernières années et héritage

Malgré cet exil et les poursuites judiciaires, Salifou Camara poursuit son combat depuis Paris. Il rejoint l'ASK comme secrétaire général, ce qui lui permet de formaliser ses plaintes contre Antonio Souaré auprès de la FIFA.

Le 30 juillet 2019, dans un geste significatif, le président Alpha Condé nomme Salifou Camara au Conseil d'Administration du Webb Fontaine Group, société en charge du guichet unique du commerce extérieur en Guinée. Cette nomination marque son retour dans les cercles d'influence économique du pays.

Salifou Camara "Super V" s'éteint le 15 juillet 2024 à Paris, des suites d'un AVC, après avoir été hospitalisé dans le coma à l'hôpital Bichat. Sa discrétion légendaire l'aura accompagné jusqu'à ses derniers instants, puisque peu de personnes étaient au courant de son état de santé.

Conclusion

Le parcours de Salifou Camara "Super V" reflète l'histoire mouvementée du football guinéen et plus largement de la Guinée contemporaine. Homme de caractère, visionnaire et passionné, il aura contribué de manière significative au développement des infrastructures footballistiques du pays, tout en navigant habilement dans les eaux tumultueuses de la politique et des affaires guinéennes.

Son héritage reste complexe : admiré par certains pour sa détermination et ses réalisations, critiqué par d'autres pour sa gestion parfois controversée et ses méthodes de combat, Salifou Camara "Super V" demeure indéniablement une figure majeure du football guinéen, dont le nom restera associé à une période charnière de son histoire.

Comme le soulignait son frère aîné Gilbert Camara : "Je retiens de lui un amour passionnel pour le Football. Il s'est beaucoup investi pour la réussite de ce sport en Guinée." C'est probablement ainsi que l'histoire retiendra Salifou Camara "Super V" : un homme qui a aimé le football guinéen jusqu'à en faire le combat de sa vie.