El Hadj Omar Tall (1794-1864) était un chef de guerre, érudit musulman et dirigeant de la confrérie soufie Tijaniyya originaire du Fouta-Toro au Sénégal. Issu d'une lignée de notables peuls, il reçut dès son enfance une solide formation islamique. Après un long pèlerinage de 18 ans à travers l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, où il fut nommé calife de la Tijaniyya, il fonda en 1848 la communauté de Dinguiraye en Guinée.
De là, il lança en 1850 un djihad contre les populations non-musulmanes, conquérant progressivement un vaste empire toucouleur qui s'étendit du Haut-Sénégal au Mali actuel. Gouvernant ses territoires selon la loi coranique, il dut affronter la résistance des royaumes bambaras et l'armée coloniale française jusqu'à sa mystérieuse disparition en 1864 dans les grottes de Bandiagara.
Introduction
El Hadj Omar Tall, né entre 1794 et 1797 à Halwar dans le Fouta-Toro (Sénégal actuel), était un chef de guerre, érudit musulman et dirigeant de la congrégation soufie Tijaniyya. Considéré comme l'un des plus grands chefs spirituels et militaires de l'Afrique de l'Ouest au XIXe siècle, il a fondé un vaste empire toucouleur sur les territoires actuels de la Guinée, du Sénégal, de la Mauritanie et du Mali. Son épopée, relatée dans la Kacida écrite par son compagnon Mohamadou Allou Tyam, est devenue un mythe fondateur de l'islamisation de cette région.
Une Enfance Empreinte de Spiritualité
Né dans une famille peule de notables et chefs religieux, Omar Tall reçut dès son plus jeune âge une éducation rigoureuse dans la tradition islamique. Son père, Saidou Tall, et sa mère, Sokhna Adama Aïssé Thiam, veillèrent à lui inculquer les enseignements du Coran et de la langue arabe. Avide de connaissances, le jeune Omar se forma auprès de lettrés musulmans, notamment Abd el-Karim, un érudit de la confrérie Tijaniyya originaire du Fouta-Djalon.
Les Voyages Initiatiques (1827-1845)
À l'âge de 23 ans, Omar Tall entreprit un long pèlerinage de 18 années qui allait façonner sa destinée. Il se rendit tout d'abord à Hamdallaye sur le Niger, où il rencontra Cheikhou Amadou, le fondateur de l'empire théocratique du Macina. Poursuivant son voyage, il séjourna à Sokoto, à la cour de Mohammed Bello, avant de traverser le Fezzan et d'atteindre Le Caire, puis La Mecque en 1828.
C'est dans la ville sainte que Omar Tall reçut de Muhammad Al Ghâlî les titres d'El Hadj et de calife de la confrérie Tidjaniya pour l'Afrique subsaharienne. Il rejoignit officiellement cette confrérie soufie en 1833, sous la tutelle de Mohammed el-Ghali Boutaleb. Ses années de pérégrinations le menèrent également à l'université al-Azhar du Caire, à la cour du sultan du Bornou où il épousa une de ses filles, ainsi qu'à Hamdallaye auprès de Cheikhou Amadou.
La Fondation de Dinguiraye et la Préparation du Djihad (1848-1850)
De retour au Fouta-Djalon en 1848, El Hadj Omar s'installa à Dinguiraye, en Guinée actuelle, où il fonda une communauté religieuse prospère. Pendant treize années, il prêcha l'islam sunnite selon la doctrine acharite, la jurisprudence malikite et la spiritualité tijaniyya, acquérant progressivement une réputation de saint homme. Autour de lui se rassemblèrent de nombreux disciples qui allaient former les cadres de son armée.
En 1850, El Hadj Omar lança son djihad (guerre sainte) contre les populations non musulmanes de la région. Son armée, équipée d'armes légères européennes reçues de trafiquants britanniques de Sierra Leone, s'attaqua aux Sérères, Wolofs, Soninkés et Khassonkés, occupant leurs territoires ainsi que le Bambouk en 1853.
La Conquête d'un Empire (1854-1862)
La campagne militaire d'El Hadj Omar prit rapidement de l'ampleur. En 1854, il s'empara de la capitale bambara de Nioro, marquant le début de la conquête du royaume Massassi. Deux ans plus tard, en 1856, il annexa le royaume bambara du Kaarta, réprimant sévèrement les révoltes.
Parallèlement, El Hadj Omar dut affronter l'armée coloniale française, menée par Louis Faidherbe. Après avoir déclaré la guerre au royaume du Khasso en 1857 et assiégé le fort de Médine, ses troupes furent repoussées par Faidherbe en juillet de la même année.
Entre 1858 et 1861, le chef de guerre toucouleur concentra ses efforts sur les royaumes bambaras du Kaarta et de Ségou. Le 10 mars 1861, il s'empara de la capitale Ségou, qu'il confia un an plus tard à son fils Ahmadou. Sa campagne culmina avec la prise d'Hamdallaye, capitale de l'empire peul du Macina, le 16 mars 1862, après trois batailles sanglantes faisant plus de 70 000 morts.
Un État Théocratique et Esclavagiste
El Hadj Omar gouverna ses vastes territoires conquis en tant qu'État théocratique, appliquant la loi coranique comme principe fondamental. Assisté d'un conseil composé de grands marabouts, de ses frères et de compagnons de voyage, il s'inspira du modèle égypto-turc avec une division du pouvoir entre un gouverneur civil et un gouverneur militaire.
Bien que mû par une idéologie universaliste de l'islam et un projet de rénovation égalitaire de la société, l'empire d'El Hadj Omar reposait en grande partie sur le trafic d'esclaves, à l'instar de la colonisation peule menée par Modibbo Adama dans l'Adamaoua.
La Fin Mystérieuse d'un Conquérant (1864)
En 1864, après avoir pris Hamdallaye, El Hadj Omar dut faire face à une révolte qui le contraignit à se réfugier dans les grottes de Deguembéré, près de Bandiagara. C'est là que, dans des circonstances restées obscures, le grand conquérant disparut mystérieusement le 12 février 1864.
Son neveu Tidiani Tall lui succéda à la tête de l'empire, installant la capitale à Bandiagara. Son fils Ahmadou Tall régna quant à lui sur Ségou, Nioro et une partie du Niger jusqu'à la conquête française en 1893. Un autre de ses fils, Aguibou Tall, fut nommé sultan du Macina par les Français en 1892.
Conclusion
L'épopée d'El Hadj Omar Tall, retracée dans la Kacida de Mohamadou Allou Tyam, a profondément marqué l'imaginaire des peuples d'Afrique de l'Ouest. Bien que son empire n'ait survécu que quelques décennies, sa quête spirituelle, ses conquêtes militaires et sa vision d'un État islamique ont façonné durablement l'histoire de cette région. El Hadj Omar demeure une figure majeure de la diffusion de l'islam et de la résistance face à la colonisation européenne au XIXe siècle.